La saison cycliste est riche de faits en tous genres. La fin d’année, régulièrement utilisée pour les rétrospectives, est donc propice pour se remémorer les plus beaux souvenirs, les plus tristes aussi, des trois cent soixante-cinq derniers jours. En neuf numéros, replongez vous dans cet excellent cru 2010 qui a vu Cancellara réaliser un merveilleux triplé (Roubaix, Flandres, Mondial CLM), Hushovd devenir le premier Norvégien Champion du Monde, Cavendish craquer et fondre en larmes, Voeckler briller et hisser haut les couleurs Françaises avec ses autres compatriotes dans le Tour (six victoires d’étapes), Contador briguer une troisième couronne après avoir mangé une mauvaise viande, Nibali triompher pour la première fois dans un Grand Tour et Basso revenir au premier plan. La mort de Laurent Fignon nous a également beaucoup marqué. Flashback.
A ANDY SCHLECK
C’était l’année de la confirmation sur le Tour de France pour le coureur Luxembourgeois. Déjà deuxième du Giro il y a trois ans, avec en prime le titre de meilleur jeune, Andy avait découvert le Tour dans la foulée, en 2008, dans la peau de l’outsider. A Paris, il a remonté une première fois les Champs-Élysées paré de blanc à la douzième place. Dans l’étape vers Hautacam, le plus jeune des frères Schleck a connu une terrible défaillance en « attrapant » une fringale. Elle s’est révélée fatale pour un podium… voire une victoire finale. C’est finalement son équipier Carlos Sastre qui est sacré dans la capitale après une attaque dans l’Alpe d’Huez et une belle résistance dans l’ultime chrono.
L’an passé, Andy Schleck, après avoir réalisé ses deux numéros lors de Liège-Bastogne-Liège et de son championnat national, est passé de la liste des outsiders à celle des favoris potentiels. Après un premier mano à mano face à Alberto Contador (l’Espagnol était absent lors de l’édition précédente), le coureur de la Saxo Bank a grimpé de dix places au général, glané son second Maillot Blanc, mais a buté contre son grand rival.
Cette saison, rebelote. Au départ de Rotterdam, le duel Andy/Alberto alimentait toutes les discussions. Auteur d’une très mauvaise performance lors du prologue, le Luxembourgeois ne sait pas encore qu’il va regretter de ne pas avoir tout donné. Durant la deuxième étape qui emmenait les coureurs jusqu’à Spa, le dossard 11 est victime d’une lourde chute dans la descente de Stockeu, transformée en véritable patinoire. Jean-François Pescheux, l’adjoint du patron Christian Prudhomme, a inventé après l’étape le terme de verglas d’été. Andy n’a pas été le seul martyr du jour. Son équipier Cancellara (voir en dessous), alors en jaune, ordonne au peloton d’attendre que tous les blessés reviennent dans les rangs. Au final, Andy Schleck ne perdra aucune seconde sur Contador, sorti indemne de cette étape. Le lendemain, toujours avec son pote Suisse, il dynamite le fameux final tant attendu des pavés. Pendant il fonce la tête dans le guidon, Andy ignore que son frère adoré est tombé. Franck c’est cassé la clavicule, il ne pourra en conséquent pas accompagné son frangin dans la montagne. Coup dur pour le meilleur jeune en titre. Mais tout n’est pas perdu. Les Saxo reprennent l’avantage sur le double lauréat de la Grande Boucle 2007, 2009.
L’Espagnol est fébrile. Pas au top de sa forme. Vient alors la toute première grande étape du Tour. C’est le jour de vérité. Au sommet de Morzine-Avoriaz, Conta’ n’est pas encore dans son assiette. Sous la flamme rouge, le Maillot Blanc, déjà sur les épaules, passe à l’offensive. El Pistolero a du mal à s’accrocher aux basques d’Andy. De tous les favoris, seul le Champion Olympique, Samuel Sanchez parvient à disputer la victoire d’étape avec Schleck. Mais ce dernier triomphera pour la première fois de sa jeune carrière dans le Tour. Deux jours plus tard, il profite de la défaillance de Cadel Evans, le Champion du Monde, pour s’emparer du Maillot Jaune. C’est encore une fois une première. Jusqu’à la douzième étape le classement général restera figé. Andy Schleck premier détient quarante et une secondes d’avance sur Alberto Contador, dauphin virtuel.A Mende, Contador connaît un mieux être. Il décide donc d’attaquer le leader, rapidement distancé par le vainqueur sortant. Le coureur Ibérique grappille dix secondes dans sa quête au trône. Vers Ax-3 Domaines, les deux meilleurs du peloton se distinguent en réalisant une partie de surplace. Comme en piste. Un comble pendant une étape de montagne !
Entre Pamiers et Bagnères-de-Luchon, la Grande Boucleédition 2010 bascule. Dans le Port de Balès, à quatre kilomètres du sommet, le Maillot Jaune en personne décide d’attaquer, histoire de conforter un peu plus sa tunique et se mettre à l’abri d’un retour éventuel de ses rivaux, lors de l’ultime chrono. Malheureusement, sa chaîne se coince et immédiatement après, Contador en profite pour contrer et s’envoler vers la tunique dorée. Andy mettra plusieurs secondes pour repartir et réparer tout cela. Alors qu’il limite la casse dans la montée, il débourse beaucoup de temps dans la descente. A l’arrivée, huit secondes sépareront Contador de Schleck au nouveau général. Saut de chaîne aux effets dévastateurs vous me direz.
Le lendemain, rien ne se passera. En fait, ils attendaient la Finale qui se déroulera dans le Col du Tourmalet. Comme prévu par Prudhomme. En vain, le Maillot Blanc ne cesse d’attaquer pour tenter de décramponner le porteur du Maillot Jaune. Mais à chaque fois, Contador revient dans la roue d’Andy. Trop facilement. Il contrera même la fugue du Luxembourgeois à un moment. A l’arrivée, les deux rivaux terminent dans le même temps. Et comme pour se faire pardonner, Conta’ offre la victoire à son ami Andy. Ce dernier rivalisera longtemps avec le futur vainqueur lors du contre-la-montre entre Bordeaux et Pauillac. Andy revient même à une seconde lors d’un point GPS. Incroyable. Aucun spécialiste ne voyait Schleck résister à ce chrono déterminant pour l’attribution de la victoire 2010. Mais dans les derniers kilomètres, il craque et Contador est assuré de remporter une troisième couronne.
Pas pour longtemps… Pour en savoir plus, rendez vous le 30 décembre. Oui, nous ménageons le suspense.
Le point qui fâche : Lors de la Vuelta, Andy passe une petite soirée tranquille mais surtout arrosée avec son équipier Australien Stuart O’Grady. Le lendemain, Bjarne Riis s’aperçoit de la supercherie et prend la décision de les renvoyer à la maison. Le double deuxième du Tour (2009, 2010) était vendu pour aider son frère à remporter un premier Grand Tour.
L’info à ne pas oublier : En 2011, Andy a décidé de voler de ses propres ailes, en quittant la Saxo Bank, en compagnie, toujours, de l’incontournable Franck. Ils seront les leaders d’une toute nouvelle équipe construite sur mesures, pour eux : le Team Leopard (le nom est encore à déterminer).
Pour la petite histoire, il remporte le premier Vélo d’Or Espoirs devant Nibali (vainqueur de la Vuelta) et Cavendish (auteur d’un quintuplé dans la Grande Boucle).
B BBOX BOUYGUES TELECOMBonjour (2000-2002) reprise par Brioches-la-Boulangère (2003-2004) encore reprise par Bouygues Télécom (2005-2010). L’histoire, tellement belle, ne put s’achever là. Une décennie parmi les pelotons pros et onze participations à la Grande Boucle. Jean-René Bernaudeau, de tous les projets, l’instigateur de cette formation, s’est arraché comme jamais pour s’assurer la poursuite de son grand travail. Soutenu par son leader et coureur emblématique Thomas Voeckler, Champion de France en titre, vainqueur avec le maillot tricolore d’une étape du Tour et du premier Grand Prix du Québec, le groupe Vendéen a donc trouvé la solution miracle à quelques heures d’une fin tragique. Europcar a bien voulu tenter l’aventure cycliste avec de bons gars comme par exemple Anthony Charteau, le dernier meilleur grimpeur du Tour. Dix-neuvième au classement mondial en étant une formation Continentale Pro, cette performance est très honorable pour les Turquoises vainqueurs du Critérium International (avec Pierrick Fédrigo), du Championnat de France CLM (Nicolas Vogondy), d’une seconde étape du Tour également lors du Giro (Johann Tschopp), de Paris-Nice (William Bonnet) et de deux étapes des Trois Jours de la Panne (Steve Chainel et Sébastien Turgot). Malheureusement, tous les derniers coureurs cités, à l’exception de Turgot, partent à l’intersaison.
C CANCELLARA FABIAN
Une saison incroyable ponctuée par un sublime doublé Tour des Flandres - Paris-Roubaix. Deux démarrages foudroyants (un dans le Mur de Grammont, un autre à une cinquantaine de bornes de Roubaix) et on en reparle plus. Quoi que, ses deux victoires attisent les convoitises (voir par ailleurs). Ses adversaires sont tout de même restés littéralement collés au bitume. Avant de s’imposer à Ninove et dans le mythique vélodrome Nordiste, Cancellara avait glané sa première classique estampillée 2010 avec le Grand Prix E3, devant Boonen, grand rival et ami du Suisse mais surtout battu de cette campagne.
Vainqueur du Tour d’Oman, Fabian a eu l’honneur d’ouvrir le palmarès de cette épreuve exotique. Battu lors du contre-la-montre final par Edvald Boasson Hagen, cette défaite fait un peu tâche. Mais il se reprendra lors de son tour national en remportant le prologue mais en s’inclinant une nouvelle fois dans le grand chrono face à Tony Martin cette fois.
A Rotterdam, pour l’inauguration du Tour de France, il réalise un grand coup et s’empare du premier Maillot Jaune. Lors de l’étape de Spa, alors que son leader Andy Schleck chute, il demande à tous les membres du peloton de ralentir la cadence et se comporte en véritable patron. Il perd sa tunique mais la récupérera le lendemain après les trop nombreux problèmes mécaniques et crevaisons de Sylvain Chavanel. Dès les premières montées difficiles, le coureur Helvète lâche prise et doit renoncer à son maillot de leader. Entre Bordeaux et Pauillac, dans le vignoble Médocain, Spartacus réalise une fois de plus une performance de haute volée. Dans l’ultime chrono qu’il survole de bout en bout, il adresse un message aux personnes qui l’ont descendu lors de ses deux victoires dans les Flandres et à Roubaix.
Bis répéta lors du Mondial de la spécialité. Déjà triple lauréat, il s’impose de nouveau et devient le recordman de titres dans l’exercice chronométré en Australie. A Melbourne, il entre dans la grande Histoire du cyclisme. Sans vélo à moteur. Comme il a déclaré au journal L’Equipe, il n’a qu’un seul moteur. Son cœur.
A la fin de la saison, il décide de quitter Riis et le Team Saxo Bank pour la formation des frères Schleck. L’envie d’une nouvelle aventure après avoir passé quatre ans dans l’équipe Danoise.
Après deux deuxièmes places et une troisième, Fabian Cancellara a enfin décroché le Vélo d'Or devant Contador et Andy Schleck.
Le point qui fâche : Après ses deux superbes victoires lors du « Ronde » et de la « Dure des dures », Fabian Cancellara est accusé d’avoir utilisé un vélo électrique. Certains journalistes assurent que le Suisse avait un moteur dissimulé dans la tige de selle de sa bicyclette. Même Davide Cassani, l’ancien coureur pro, désormais commentateur pour la télé Italienne, plus précisément pour la RAI, a fait son petit pitch (voir ci-dessous). Cancellara dément catégoriquement. Il nie tout en bloc. Rien ne sera prouvé. Pat McQuaid, le patron de l’UCI dénoncera une « histoire qui n’a jamais existé ».
Le point qui fâche, seconde édition : Lors de la fameuse étape de Spa, la deuxième du Tour, Fabian Cancellara a ordonné à tous les coureurs de baisser la cadence infernale menée pour rattraper Sylvain Chavanel. Vrai acte de gentleman ou c’était juste pour faire revenir tranquillement Andy Schleck, candidat déclaré à la victoire finale ? Peut être un peu des deux. Mais cette pause a permis aux victimes de ce carambolage (dans la descente de Stockeu) de ne pas perdre de temps et surtout, de ne pas terminer hors des délais. Lors de l’arrivée du peloton, le Suisse est allé demander à Pescheux de ne pas attribuer de points au classement du Maillot Vert et de ne pas disputer le sprint pour ce challenge. Cette neutralisation a eu raison de Thor Hushovd. Le Norvégien aurait bien pu profiter de cette arrivée pour grappiller des unités sur ses adversaires absents.
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Article réalisé par Nicolas Gréno l Images : AFP/Roberto Bettini/Ispaphoto/Shane Goss