Grenoble Foot 38 : un rêve fou devenu cauchemar

           « On accompagne dans la victoire et on quitte dans la défaite », voilà ce qui aura fait plonger le Grenoble Foot 38. En Novembre 2004, alors que le club est en Ligue 2, la firme japonaise Index Corporation devient actionnaire majoritaire du club. S’ensuit alors une remontée historique encore jamais vue en Ligue 2, début 2008, pour monter en Ligue 1. Le club aura beau avoir marqué l’histoire de la Ligue 2 ainsi que sa propre histoire avec cette montée en Ligue 1, il n’en reste pas moins que les difficultés survenues ensuite ont fait fuir les Japonais. Manque d’argent étant, le club passe, en 14 mois, de Ligue 1 à CFA2. Un record encore une fois... Récit d’un club qui aura connu le meilleur, comme le pire.

L'histoire du club

          Le club de football de Grenoble a été fondé en 1892. Avant la saison 2008-2009, il avait déjà connu l’élite à deux reprises. La première fois en 1960 : après avoir remporté le championnat de D2, il accède à la D1 qu’il quittera aussi vite qu’il y était rentré. La saison suivante, Grenoble remet cela : la ville remporte une nouvelle fois le championnat de D2. Mais encore une fois l’équipe est reléguée, à cause de sa 17° place, signe, à l’époque, de descente.

          Ensuite, on ne va plus en entendre parler. Le club va faire le yo-yo entre D2 et D3 dès 1971 où il perd son statut de professionnel. A cause de problèmes financiers et de restructurations des championnats nationaux, le club est relégué en D4 en 1993. Le yo-yo va alors se faire entre National 2 (CFA aujourd’hui) et National.

          En 1997, Grenoble voit fusionner ses deux clubs : l’Olympique Grenoble Isère, ancien FC Grenoble Dauphiné, avec le Norcap Grenoble, un autre club amateur de la ville, pour devenir l’actuel Grenoble Foot 38. La structure du club va alors devenir plus certaine et les moyens vont réapparaître. Le club va connaître un nouveau souffle : au terme de la saison 2000-2001 il remporte le championnat de National et accède à la Ligue 2 pour ne plus la quitter par la suite.

Le nouveau souffle d’Index Corporation …

          Le GF38 va, en 2004, connaître une nouvelle ère. La firme Japonaise Index Corporation devient actionnaire majoritaire du club. Celui-ci va se « japoniser » avec les arrivées, au fil des saisons, de quelques joueurs Japonais et même la création de mascottes manga, les « 3 Princes », dessinées par le créateur d’ « Olive et Tom ». Malgré quelques critiques sur ces changements, la firme comble tous les déficits du club et le nouveau président Kazutochi Watanabe veut faire inspirer au club un nouveau souffle avec les souhaits suivants : « la Ligue 1 avant 2010 puis la Ligue des Champions avant 2014 ». Discours bien présomptueux d’un homme qui ne semble pas s’y connaître et qui aura énormément fait rire : la Ligue 1 pourquoi pas, mais il faudra trouver les moyens de tenir par la suite, que les Japonais n’abandonnent pas le navire s’il est en plein naufrage…

          Mais les projets sont bel et bien là : un stade va être construit. Après de nombreuses luttes judiciaires et administratives, le fameux Stade des Alpes, l’un des stades les plus perfectionnés de France, va être le successeur du Stade Lesdiguières dont seuls les rugbymen fouleront le gazon. Seulement 20 068 places, certes, mais ça ne coupe en rien sa beauté. Les joueurs vont piétiner son gazon le 15 Février 2008, face à Clermont-Ferrand qu’ils battront pour l’occasion 2-0.

… qui emmène le GF38 en ligue 1

          C’est cette même année que le club va accéder à la Ligue 1. Pourtant personne ne les voyait monter à dix journées de la fin. Pour beaucoup de connaisseurs, le club finirait dans les places environnant la cinquième position, comme la saison précédente, car, à la 28° journée, Grenoble avait exactement douze points de retard sur le troisième qui était Troyes. Nul doute pour les journalistes que le podium était connu mais qu’il restait encore l’ordre à définir. Grenoble n’était pas attendu. Pourtant, les Grenoblois firent une remontée historique, du jamais vu en Ligue 2 : ils prirent la place de Troyes et, pour le même coup, six points d’avance sur les Troyens.

2 saisons en élite et le début du cauchemar

          Le GF38 démarre le championnat de Ligue 1 en fanfare ! Après 2 journées, l’équipe est la seule à avoir gagné ses deux matches (contre Sochaux et Rennes). Elle est leader provisoire. Un acte, que, durant les JO de Pékin, le Grenoblois Laurent Luyat n’a pas oublié de notifier, en montrant à la caméra le classement de la Ligue 1 du journal l’Equipe. Au final, ils termineront treizième, à plus de dix points de la zone de relégation. Seul point négatif, la deuxième partie de saison a été plus laborieuse que la première, un rythme de relégable qui n’annonce pas que du bon pour la saison à venir. Surtout que durant le mercato d’intersaison, le GF38 perd quelques joueurs cadres comme Grégory Wimbée, le gardien de l’équipe depuis 2006 qui s’en va à Valenciennes ainsi que Daniel Moreira qui part du côté de Boulogne-sur-Mer, entre autres. Pour contraster les nombreux départs de joueurs, le club recrute celui qui plaira à tout le monde : Danijel Ljuboja. Nous noterons tout de même l’historique demi-finale obtenue par le GF38 lors de la Coupe de France cette même saison !

          Malheureusement, cela n’empêchera pas le club Grenoblois d’être l’auteur d’un autre record … malheureux celui-ci. Grenoble perd ses onze premiers matches, du jamais vu dans l’histoire de la Ligue 1. Difficile de penser qu’après cette série l’équipe parviendra à accrocher le maintien ! Au final, ils terminent dernier avec un bilan de vingt-cinq défaites, huit nuls et cinq victoires malgré des cartons infligés au PSG (4-0 au Stade des Alpes) et Auxerre (5-0 au Stade des Alpes).

Bis repetita : on redescend d’un étage

          Après l’ouverture du mercato estival, les meilleurs joueurs s’en vont. Le plus capé et le meilleur buteur de l’histoire du club, Nassim Akrour quitte le GF38 pour un autre club … de Ligue 2, le FC Istres tout comme Martial Robin. Un signe que le Grenoble Foot 38 a du plomb dans l’aile et que cette saison s’annonce plus que rude et que l’obtention du maintien sera compliquée. On enregistre aussi de nombreux autres départs avec entre autres celui de Danijel Ljuboja à Nice, Sofiane Feghouli au FC Valence ou Laurent Battles à l’AS Saint-Etienne.

          On assiste à un début de saison moyen : plus de défaites et de matches nuls que de victoires. Mehmed Baždarević, entraîneur du club depuis 2007 est limogé. (Il est maintenant entraîneur du FC Sochaux) Le GF38 « achète » la vingtième place, n’y bouge (presque) pas. Cependant, le maintien reste très, très longtemps à portée de mains puisque les adversaires directs tels que Vannes ne font presque pas mieux. A 10 journées de la fin, le club Grenoblois peut sortir de la zone de relégation. C’est malheureusement à ce moment là qu’il réalise les matches nuls qui permettent au maintien de s’envoler, alors que les Japonais veulent vendre le club …

           A deux journées de la fin, le Grenoble Foot 38 est certain de descendre en National car trop éloigné mathématiquement de Metz, dix-septième.

Plus d’argent … nouveau départ à zéro

          Cependant les déficits grandissent et les Japonais voulant vendre, les problèmes d’argent se font très importants. Le Stade des Alpes pèse alors que le club sait que dès le National il ne pourra plus l’utiliser. C’est alors que le GF38 doit déposer le bilan, le 5 juillet, après avoir appris, la veille, qu’ils risquaient la descente en CFA.

          Cette prise de décision, le club va alors la retarder le plus longtemps possible en annonçant qu’ils trouveraient de l’argent et combleraient le déficit puis auraient un nouveau propriétaire, afin d’avoir le droit de jouer en National cette saison. De nombreuses rumeurs sur un rachat ont couru, même celle qui disait que le club serait racheté par Bernard Tapie ! Malheureusement, le remplaçant des Japonais n’a pas été trouvé et le déficit du club pas totalement renfloué. Après des rumeurs qui mettaient Grenoble en division d’honneur, on apprend que le club sera un cran au dessus … en CFA2. Un gros coup de massue. En 14 mois, l’équipe passe de la Ligue 1 à la 5° division. Le club a perdu son cachet de professionnel : tous les joueurs professionnels sont donc libres. Il faut absolument tout reconstruire.

          Les premières paroles des supporters sont alarmistes : le club va perdre tous ses bons joueurs et l’équipe U19 être pillée. En effet, l’équipe de Grenoble des moins de 19 ans, finaliste de son championnat en Juin dernier ne peut plus exister à cause de tous les problèmes du club. Une équipe ne se construit pas en 3 semaines – 1 mois, et les supporters ont alors peur d’une autre relégation, et cette fois-ci, en DH.

          Mais les bonnes nouvelles arrivent. Le 5 Août, Olivier Saragaglia, entraîneur de la réserve du club l’année dernière (CFA) revient au club. Il était parti début Juillet à Chambéry, mais le club étant contraint à rester en CFA2, il a fait le choix de revenir. Cela en même temps qu’Aissa Yahia-Bey qui faisait aussi partie du club Savoyard, autre bonne nouvelle pour le club.

           Le club a repris l’entraînement le 8 Août devant de nombreux journalistes venus se rendre compte de l’état du club. Une image qui ne reflète pas la vérité puisque s’entraînaient aussi les joueurs en recherche d’une nouvelle équipe, ils étaient une trentaine. En effet, lors du premier match amical des Grenoblois face à Eybens, les joueurs n’étaient plus que 23. Un match gagné 2-0, contre un division d’honneur, certes, mais victoire quand même. Il faut savoir que lors d’autres saisons, des matches contre des équipes de ce niveau avaient parfois une autre finalité. Alors une victoire ainsi a de quoi redonner du baume au cœur pour espérer remonter en CFA dès 2012, ce qu’a confié Olivier Saragaglia aux journalistes présents lors du premier entraînement.

          Le championnat de CFA2 (groupe E pour Grenoble) commence samedi prochain (20 Août) face à Corte. Les joueurs n’avaient que jusqu’à ce samedi pour signer au club afin de pouvoir jouer ce match. On en a donc su un peu plus sur l’effectif Grenoblois qui se dessine pour cette saison alors que celui-ci se préparait pour son deuxième match amical face à Chambéry, perdu finalement 2-1 alors que le GF38 menait 1-0 à la mi-temps et a raté un penalty en seconde mi-temps. Résultat en fin de compte normal : une équipe ne se construit pas en deux semaines, c’est ce qu’expliquent certains supporters Grenoblois plutôt optimistes : « Sur les deux, trois premiers matches de championnat, je pense qu'on sera un peu juste vu le peu de temps d'entraînement et de matches amicaux. L'équipe semble se dessiner avec des jeunes conservés et des briscards régionaux. Pour nous une bonne saison s'annonce avec du beau jeu et un entraîneur qui a de la gnac ». Olivier Saragaglia qui, au sortir de se match a déclaré que l’équipe était « loin d’être prête ».

          L’effectif connu jusque maintenant est donc composé de quatorze joueurs certains pour la saison à venir dont deux (Brice Maubleu et Manuel Perez) qui ont signé une clause de résiliation si un club professionnel venait à vouloir de leurs services. Quatorze joueurs plutôt jeunes (moyenne d’âge : 21-22 ans) entourés de deux « anciens », Aïssa Yahia-Bey et Selim Bengriba pour les encadrer.

          Tout se reconstruit donc petit à petit dans la capitale des Alpes. Le club dont la devise est « ensemble gagnons les sommets » n’a jamais eu autant besoin de ses supporters, de cet « ensemble » pour remonter vers les divisions plus hautes, ces « sommets » dans lesquels ils se trouvaient il y a quelques mois, dans lesquels ils ont réalisé bien des records : cette remontée historique en 2008 pour atteindre le Ligue 1, ce début abominable en Ligue 1 lors de la saison 2009-2010… L’ère Index Corporation « est juste désastreuse mais on laisse des clubs se faire acheter avec de l'argent sans aucune direction ou projet à long terme. A l'image de ce que je pense de notre mentalité, on ne voit pas plus loin que le bout de notre nez sauf pour l'argent. On vous dira que lui n'a pas d'odeur ! » a déclaré Laurent Courtois à Foot National, joueur parti cette saison aux Etats-Unis, un des cadres qui se voyait bien continuer plus longtemps à Grenoble.

           Encore une fois le club redescend à cause des finances pour un nouveau départ à zéro. En espérant que de cette erreur le club apprendra. Ne pas vouloir grandir trop vite, tel est ce qu’il faut respecter, même si les tentations d’une poussée vive sont difficiles à repousser !

Article réalisé par Chloé Lemarchand | Photos : Ville de Grenoble / Henri Porchier (Dauphiné Libéré) / Gre-sports.com