En début d’année, nous interviewons Nicolas Portal pour qu’il nous présente un peu son équipe. Pour que l’on observe les forces en présence chez Sky (Mark Cavendish et Bradley Wiggins notamment) ainsi que leurs objectifs pour cette saison 2012. Aujourd’hui, nous allons nous intéresser d’un peu plus près à la jeune carrière de directeur sportif du Gersois. Après avoir stoppé sa carrière pour problèmes cardiaques, comment s’est déroulée sa première année en tant que DS de la deuxième formation mondiale ? Nicolas Portal nous dit tout sur Culture Sport.
Sa toute première saison dans la peau d’un directeur sportif
Elle bien passée (rires). Les deux premiers mois étaient… étranges, passionnants, excitants, parfois un peu stressants. Mais tout sous le bon côté évidement. Je ressens les mêmes choses que lorsque j’étais sur un vélo. J’ai la même impatience d’attendre et de savoir qui va gagner. Est-ce que c’est nous ou pas ? Comme quand j’étais coureur. Vraiment impatient de savoir, jusqu’à la ligne, qui peut gagner le sprint ou pour l’étape. On ressent vraiment ces choses-là. J’ai vraiment beaucoup de chance de pouvoir intégrer une équipe comme celle-là dès ma première année en tant que directeur sportif. J’apprends énormément de choses. J’apprends aussi auprès des directeurs sportifs qui sont plus expérimentés que moi mais aussi de la part des coureurs. Je suis de l’autre côté de la barrière, mais j’essaie d’avoir un pied de chaque côté surtout quand il y a des moments où il faut prendre des décisions rapides. J’essaye d’avoir les deux sons de cloche. C’est très intéressant, ça me plait beaucoup et je ne regrette pas. Au contraire, je pense que si j’avais à refaire les mêmes choses, je le referais sans hésiter.
Etre directeur sportif et donner des ordres ou conseiller des coureurs qui sont plus âgés*
C’est le côté de mon métier qui est le plus étrange. Il faut que je m’y adapte. Bien souvent je suis même plus jeune que certains coureurs et pour un directeur sportif, c’est quand même étrange oui. Quand il y a un Michael Rogers ou des coureurs comme ça… quand je fais le briefing dans le bus, c’est vrai que les premières fois ou même de temps en temps, ça me met non pas un peu de pression mais il y a certaines petites choses qui me disent « il y a quelque chose de pas très normal ! ». Mais en fait, je me rends compte que les gars sont vraiment très pros, ils me connaissent, ils m’ont respecté quand j’étais coureur. C’est peut-être aussi l’avantage que j’ai de pouvoir faire ce métier-là jeune. Ils connaissent mes qualités, comment j’étais sur un vélo, si j’avais un esprit loyal ou pas. Tout cela m’a donné pas mal d’avance et d’assurance aussi. Les coureurs me respectent par rapport à ça.
Après, c’est très clair que chez nous, tout le monde est très pro que ce soit un gars comme Michael Rogers ou même Bradley (Wiggins, ndlr) et n’importe qui d’autre, tout le monde a une place au sein de l’équipe. C’est important que tout le monde se respecte. Moi je suis là pour établir une tactique de course, pour essayer d’organiser un peu tout le staff sur toute une journée, pour voir s’il y a des petits soucis… Mais après tout le monde essaie de faire de son mieux, les coureurs aussi. Après, il suffit d’avoir un dialogue ouvert. Je ne suis pas tout le temps borné, je n’ai pas tout le temps la science infuse au niveau des tactiques. C’est un échange. J’expose mes idées mais il y a toujours un échange avec les coureurs pour que quand ils descendent du bus, ils se sentent investis. Si il y en a un qui n’est pas d’accord ou qui veut ajouter un petit quelque chose il peut justement parler. Comme ça, ensuite, quand on descend du bus, on va tous dans le même chemin, au même endroit et l'esprit de l’équipe est plus fort. Après, jusqu’à présent, tout s’est bien passé. Les gars sont vraiment très pros donc ça permet de ne pas avoir ce genre de situation qui pourrait se passer du genre « tu es directeur sportif, tu es plus jeune que moi donc tu n’as pas à me donner d’ordres ». Cette situation ne se produit pas. J’avais une petite appréhension au départ, ce qui est normal, mais voilà, tout se passe très bien. Le principal c’est que les coureurs m’apprécient et j’ai eu quelques bons retours de leur part. Même si je suis jeune, quand je prends une décision ils m’écoutent, qu’elle soit bonne ou mauvaise. Quand on prend une décision, il faut la prendre et on fédère tout le groupe.
Une seconde carrière est donc lancée
Je ne sais pas combien de temps cela va durer. Je ne veux surtout pas me porter la poisse. C’est tout nouveau pour moi. Je n’avais jamais pensé devenir directeur sportif avant. C’est Dave Brailsford (manager de Sky, ndlr) qui a appuyé sur le bouton. Il m’a demandé si ça me dirait de rentrer dans l’encadrement sportif. Honnêtement, je n’y avais jamais pensé, réfléchi. C’est vrai que vu comme l’équipe est structurée, comment elle fonctionne, les moyens qu’ils mettent en place, je me suis dit « wouah » c’est peut-être le moyen pour moi d’apprendre ici. L’occasion également d’apprendre l’Anglais et de continuer dans l’environnement qui me convient le mieux, le cyclisme. Mon petit bonhomme de chemin continue, on va voir où ça me mène. Tant que j’ai envie de le faire…
* Coureurs nés après 1979 ou en 1980 : Kurt Asle Arvesen, Dario Cioni, Simon Gerrans, Gregory Henderson, Kjell Carlström (l’an passé), Danny Pate (depuis cette année), Michael Barry, Juan-Antonio Flecha, Jérémy Hunt, Michael Rogers, Mathew Hayman, Xavier Zandio et Bradley Wiggins (depuis 2011).
Article réalisé par Nicolas Gréno
Propos recueillis par Nicolas Gréno
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Crédit photo : Site officiel du Team Sky