La Formule 1 peut encore tuer : on l'avait presque oublié, jusqu'à l'accident mortel de Roland Ratzenberger, la veille. Et, en ce 1er mai 1994, la Faucheuse est venue prendre, en course, le plus grand, le plus charismatique des pilotes : Ayrton Senna. Hommage.
«Combat gagné. Il fut une époque, heureusement révolue, où la Formule 1 perdait deux pilotes par an. Aujourd'hui, la mort ne rôde plus sur le circuit.» Rien de surprenant, vous me direz, en cette année 2011. Sauf que cet extrait ne date pas d'aujourd'hui. Cette citation vient de l'album Williams Renault de la Formule 1, édition 1993. Le « professeur » Alain Prost lui même en a rédigé la préface. Il ne se doutait sûrement pas qu'un an plus tard, son plus vaillant adversaire, Ayrton Senna, perdrait la vie sur un circuit.
1 mai 1994. Si vous ne suivez pas la Formule 1, ce jour ne vous dit sûrement rien. Il en va de même pour les plus jeunes fans. Les plus vieux étaient, quant à eux, à cent lieues de penser que ce jour arriverait. L'horreur s'était déjà abattue la veille, sur l'Autodromo Enzo e Dino Ferrari, à Imola. Lors de la séance d'essais, l'Autrichien Roland Ratzenberger se tue au volant de sa modeste Simtek. Ayrton Senna, triple champion du monde, est perturbé, il sent que quelque chose de dramatique va se produire, d'autant plus que Rubens Barrichello avait lui connu un grave accident le vendredi. Juste avant le départ, Ayrton Senna s'était même réconcilié avec son « ennemi » de toujours, Alain Prost. Comme si, au fond de lui, Senna savait ce qui allait se passer. Au septième tour de course, la Williams Renault du Brésilien tire droit vers le mur. Dans la violence du choc, un élément de suspension se brise, agissant comme une lame pour le blesser mortellement à la tête. Il avait 34 ans.
Ce jour là, Senna a sûrement rejoint Jim Clark, Graham Hill et Gilles Villeneuve. François Cevert et Didier Pironi devaient être là eux aussi. Eux, et tous ceux que Ratzenberger et Senna sont venus rejoindre en ce terrible week-end. Car la Faucheuse a eu le sinistre besoin de nous rappeler que dans les sports mécaniques, le risque zéro n'existe pas. Ce n'était pas qu'un simple passage de sa part, ce week-end là ; c'était une rafle. La Rafle d'Imola. La Mort a frappé par deux fois : l'un était un néophyte, l'autre une légende. Elle nous les a enlevés, comme ça, brutalement. En enlevant Senna, c'est aussi une part de la F1 que l'on enlève. Une page de l'Histoire de la F1 que l'on déchire. Senna, ce n'était pas qu'un simple champion du monde. C'était une star, une icône, une légende. Il faisait partie de ces pilotes comme on en voit pas souvent. Il avait trouvé l'alchimie parfaite entre talent, charisme et arrogance. Senna avait ce « truc » en plus. Ce « truc » que l'on ne saurait expliquer, mais qui fait qu'on l'aime, tout simplement. Il avait ce charisme qui lui permettait de faire accepter la démesure de son comportement. Le pilote idéal, un modèle pour tous. Un défaut ? Celui de vouloir atteindre la perfection. Senna était sans limite. Alain Prost disait de lui qu'il avait un problème : il se croyait invulnérable. Ayrton Senna répondait qu'il était là pour gagner, que s'il y avait une brèche pour dépasser, un vrai pilote devait y aller. Oui, Ayrton Senna était un drôle de bonhomme, un mec comme il n'en tombe pas souvent sur Terre. Mais Senna n'avait pas les pieds sur Terre. Il disait toujours qu'il avait encore beaucoup à apprendre, qu'il avait le temps. Le temps ne lui a pas laissé. Et il y a 17 ans, il est parti, sans que nous puissions lui dire toute l'admiration qu'il nous inspirait. A nous de faire perdurer sa légende.
Senna. Sans peur. Sans limite. Sans égal. Sortie le 25 mai 2011 en France.
Article réalisé par : Etienne Escuer l Images : enpleinelucarne / prodriver