Le printemps. La période de pâques. Le soleil commence à pointer le bout de son nez, tout comme les feuilles et les fleurs. Et tout connaisseur de cyclisme qui se respecte n'attend qu'une chose : que les flandriennes commencent. Chaque classique a son charme.
Mais le Tour des Flandres et Paris-Roubaix ont quelque chose de spéciale. Peut être parce qu'une atmosphère particulière s'en dégage. Même derrière sa télévision, on sent cette émulation qui transcende la Belgique et le Nord de la France. Peut être aussi parce que ces courses couronnent de véritables forçats de la route. Ce n'est jamais un hasard lorsqu'un coureur remporte ces classiques. Il appartient à la race des champions. Mais avant que ne se profilent les monts et pavés, les semi-classiques nous donnent un premier aperçu des forces en présence et des hommes forts de cette année. En gagnant le GPE3 Harelbeke et Gand Wevelgem, Tom Boonen et les Omega Pharma-Quick Step avaient envoyé un message fort alors que la « dream team » annoncée des BMC trainait la patte. Fabian Cancellara semblait quant à lui sûr de sa force.
Si le Tour de France exprime toute la beauté de notre cher hexagone, le Tour des Flandres révèle l'authenticité et la grâce de la campagne belge. Qui plus est sous le soleil du Printemps. Et même si le Mur de Grammont n'est plus à l'affiche, il restait seize monts dont trois fois le Vieux Quaremont et le Paterberg pour faire la différence. Ce que ne pourra faire Spartacus, victime d'une chute bien avant que la course des favoris ne prenne forme. Personne ne peut dire si sa présence aurait changé quelque chose au résultat final mais il est sûr que le scénario n'aurait pas été le même. Le champion suisse au tapis, tous les regards étaient alors rivés sur l'autre grand favori Tom Boonen. D'autant plus que Philippe Gilbert maugréait sa méforme actuelle loin des premières places. Mais un BMC peut en cacher un autre, et ce n'est pas un ancien champion du monde qui nous dira le contraire. Alessandro Ballan semblait fort, très fort quand il est sorti seul en haut du Vieux Quaremont. Et que dire de son compatriote de chez Farnese Filippo Pozzato revenu dans le sillage du transalpin de BMC avant d'être prêt de faire craquer Tom Boonen dans les derniers mètres du Paterberg. Mais il était écrit que ce Tour des Flandres ne pouvait échapper au belge. Ce dernier a montré toute sa classe dans le final en contrôlant à merveille ses compagnons d'échappée. Le sprint n'a été qu'une formalité, n'en déplaise à Pozzato. Ballan a tout tenté dans le final, ce qui n'a pas été le cas du leader de Farmese qui doit s'en mordre les doigts désormais. Derrière, Peter Sagan a payé son manque d'expérience (cinquième) alors que Thomas Voeckler a accroché une belle huitième place juste devant Sylvain Chavanel, encore très en verve sur cette classique (dixième).
Paris-Roubaix, encore davantage que le Tour des Flandres, est réservé aux spécialistes. Peu de coureurs peuvent croire en la victoire. Peu s'y risquent même de peur de voir leur saison leur passer entre les mains. Dans ce décor de rêve, on attend forcément une course, un scénario de légende. D'autant plus quand un coureur belge peut rejoindre le Gitan Roger De Vlaeminck dans l'histoire avec quatre succès dans l'Enfer du Nord. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que Tom Boonen n'a pas fait dans la demi-mesure. Il a certes remporté son quatrième Paris-Roubaix mais c'est surtout la manière avec laquelle le flamand est allé chercher son pavé qui restera longtemps dans les esprits. Le pari était osé. Surtout quand il est fait sur un coup de tête. En l'occurrence celui fait par le belge à son coéquipier Niki Terpstra - par ailleurs excellent durant cette quinzaine – à plus de cinquante-cinq kilomètres de l'arrivée. Les pavés suivant ont néanmoins eu raison de son coéquipier et c'est donc seul que Tom Boonen s'est lancé dans une odyssée dont on pensait que seul Fabian Cancellara avait le secret. Malgré un groupe d'une douzaine de coureurs à ses trousses, avec notamment trois Sky pour accompagner les Flecha, Ballan, Boom ou encore Vansummeren, le puissant flamand a persisté et a eu raison. Son avance n'a fait qu'augmenter jusqu'à atteindre une minute trente dans le mythique Carrefour de l'Arbre. Une tactique osée, presque irrationnelle, mais victorieuse. Le belge aurait pu se brûler les ailes mais ce n'était en fait que la démonstration de sa supériorité sur ces rivaux durant ce printemps des flandriennes. Derrière justement, on s'est très vite résolu à jouer la deuxième place. Les chutes de Filippo Pozzato et de Thor Hushovd ont sûrement joué sur la course tant les deux semblaient avoir de bonnes sensations, tout comme Sylvain Chavanel qui avait des jambes de feu jusqu'à sa crevaison. Les Sky étaient en grand nombre pour épauler Juan Antonio Flecha dans le final. L'espagnol semblait en grande forme et ce malgré une opération compliquée à la main il y a un mois. Il a même essayé d'y aller en solitaire avant que ce ne soit l'ancien champion du monde néerlandais Lars Boom qui ne prenne la poudre d'escampette. Mais à chaque fois, Alessandro Ballan et l'étonnant Matthieu Ladagnous revenaient finalement dans les roues. Le français de FDJ-Big Mat pouvait même s'imaginer sur la deuxième marche du podium tant il semblait le plus rapide au sprint, ce qui aurait été un bel hommage à Frédéric Guesdon lors de son jubilé. Mais c'était avant une crevaison qui mettait à plat ses ambitions. Et c'est finalement un autre français qui rafla cette place à côté de l'ogre des flandriennes. Sébastien Turgot, placé aux avants postes dès la Tranchée d'Arenberg, est revenu du diable vauvert juste à l'entrée du vélodrome. L'ancien pistard de chez Europcar a alors parfaitement maitrisé le sprint pour aller chercher un nouveau podium sur un monument du cyclisme, après sa troisième place sur Paris-Tours en 2008.
Tom Boonen est donc bel et bien de retour après deux années passées loin de son niveau. Lui qu'on pensait sur le déclin, voir même proche de la retraite, il est venu taire ses détracteurs de fort belle manière en survolant ces flandriennes. Et au passage démontrer, à travers son attaque pleine d'audace dans ce Paris-Roubaix, qu'il n'était pas qu'un coureur à la stratégie défensive comme certains ont pu l'évoquer encore après sa victoire au sprint sur le Tour des Flandres. Certes, la concurrence n'était peut être pas véritablement au rendez-vous, mais le flamand mérite d'entrer dans l'histoire du cyclisme. Maintenant, place aux ardennaises et à de nouveaux protagonistes. Les Schleck, Valverde, Gilbert, Sagan et consort doivent piaffer d'impatience. En attendant, le roi des flandriennes est bien Tom Boonen.
Article réalisé par Thibault Burban
Crédit photos : Roberto Bettini