Chaque année, lorsque mars meurt et qu'avril s'éveille, les gens se massent sur le bord des routes, toujours un peu plus nombreux, toujours un peu plus bruyants, pour accueillir ces héros de la poussière ou de la boue, ces hommes pas vraiment comme les autres.
Pourquoi les Flandriennes suscitent-elles cet engouement qui ne date pas d'hier et encore moins d'aujourd'hui ? Pourquoi aime-t-on tellement observer ces hommes souffrir sur leur machine ? Pourquoi sommes-nous prêt à avaler des kilos de poussières et à ne plus rien voir, simplement pour les acclamer ? La réponse est tellement simple qu'elle en devient presque bateau - et pourtant si vraie : ces hommes poussent au respect le plus profond, à l'admiration la plus folle. On se dit qu'ils sont fous, qu'ils sont surhumains, qu'ils sont courageux ; et qui n'admire pas ce genre de personnes ? Ce n'est pas les voir souffrir qui plait, c'est les voir se battre contre les autres, mais surtout contre eux-mêmes, qui passionne, qui fascine. Ces courses montrent finalement l'homme sous le jour le plus pur, sous les plus beaux auspices : la seule volonté de gagner, ou tout simplement d'arriver, peut vous faire déplacer des montages -en l'occurrence des monts et des pavés- et vous pousser bien plus loin que vous ne l'aviez espéré. C'est cela qui fait rêver.
Bien sûr, l'enjeu de la course tient aussi une place importante dans cet engouement. Le combat pour la victoire, la volonté de voir le héros que l'on a choisi franchir la ligne victorieux, l'espoir de ne pas le voir tomber, tout cela nous donne envie de se déplacer sur le bord de la route afin d'encourager ces hommes de l'impossible, afin de leur montrer tout notre soutien, de leur prouver qu’ils ne font pas tout cela pour rien. Au final, la victoire ne revient qu’à un seul coureur, mais la reconnaissance est là pour chacun d’entre eux, pour ces hommes qui ont eu le courage de braver l’enfer.
Nous ne sommes pas seulement là pour faire des plans sur la comète, pour se demander à qui reviendra la victoire, nous sommes avant tout là pour les voir, les admirer, les acclamer, espérer et surtout rêver. Les pronostics, les suppositions et les débats ne sont finalement que du bonus, une motivation de plus. Et si le plus beau reste l’exploit et les performances de ces hommes que la souffrance semble ne pas atteindre, la magie réside avant tout dans ces milliers de drapeaux – essentiellement belges, qu’ils soient wallons ou flamands – flottant au-dessus de toutes ces têtes ébahies et ravies, se reflétant dans les yeux humides de ses femmes, hommes et enfants ayant la joie d’approcher d’un peu plus près l’exploit, le Paradis en Enfer.
Article réalisé par Claire Denis
Crédit photo : Roberto Bettini