Escale en Espagne aujourd’hui pour la suite de notre rétrospective de la saison cycliste 2011. Flash-back sur le Tour d’Espagne, dernier grand tour de la saison en cette fin d’été. Une Vuelta souvent délaissée par une partie des protagonistes de juillet mais qui n’en demeure pas moins une course spectaculaire, car souvent très montagneuse. Une occasion rêvée pour les grimpeurs espagnols de s’exprimer sur leurs terres. Le retour de la course au Pays Basque était également très attendu.
Le tenant du titre, Vincenzo Nibali, très discret depuis sa troisième place sur le Giro en mai, espérait conserver son bien. Les Espagnols Joaquim Rodriguez (Katusha), Igor Anton (Euskaltel) ou encore Denis Menchov, bien entouré par son équipe Geox, mais également les malheureux du Tour, tels Bradley Wiggins (Sky), Jürgen Van den Broeck (Omega Pharma-Lotto), Andreas Klöden et Janez Brajkovic (Radioshack) apparaissaient comme les autres prétendants à la victoire finale. Mais contre toute attente, le dénouement fut tout autre, trois semaines plus tard …
Juan José Cobo, le revenant
Surprise, c’est Cobo ! L’Espagnol est sorti victorieux de l’étape reine de la Vuelta à l’Angliru, dans la brume. Une semaine plus tard, il triomphait à Madrid.
Il ne devait pas être nombreux les bookmakers à avoir parié sur la victoire de Juan José Cobo à la veille du départ de cette Vuelta. A vrai dire, personne n’avait vraiment songé à un tel scénario, même le principal intéressé. Revenu de nulle part trois ans après avoir quitté le devant de la scène du cyclisme mondial en même temps que Riccardo Ricco et toute la Saunier Duval, sur le Tour 2008, Juan José Cobo prit les commandes lors de la terrible arrivée au sommet de l’Angliru, le géant des Asturies. Il ne les a ensuite plus lâché jusqu’à l’arrivée à Madrid. En s’imposant sans discussion sur l’Angliru, il faut reconnaitre que l’Espagnol de l’équipe Geox a réalisé une énorme sensation.
Une sensation à la fois logique et sulfureuse. Logique parce qu’après tout Juan José Cobo demeure un grimpeur hors pair qui était d’ailleurs apparu comme le plus à l’aise lorsque la route s’élevait les jours précédents l’arrivée à l’Angliru. Il avait terminé 3eme à la Sierra de Bejar derrière Dan Martin et Bauke Mollema avant de réaliser un très bon chrono qui le laissait dans le jeu au classement général. Assez logique donc que l’Ibère est ensuite exploité ces bonnes dispositions dans les passages à plus de 20% de l’Angliru pour reléguer loin Bradley Wiggins, escorté par Chris Froome, et un Vincenzo Nibali totalement à côté de son sujet.
Ceux qui ont misé quelques pièces sur Cobo en rouge après l’Angliru au départ de cette Vuelta ont dû se faire une jolie somme d’argent. Car franchement, il fallait y penser. Certes, on se doutait bien que le Cantabre, 30 ans, allait refaire parler de lui dans la foulée d’un Tour de Burgos où on l’avait revu aux premières places. Mais Burgos n’est pas la Vuelta. Pourquoi alors laisser planer un doute sur son exploit ? Parce que ce Juan José Cobo là nous a très franchement fait penser à celui du Tour du Pays basque 2007, gagné avec une facilité presque déconcertante grâce à deux victoires d’étape et une équipe Saunier Duval en état de grâce. La suite on s’en souvient. Un an plus tard, l’équipe Saunier Duval était exclue du Tour de France après les contrôles positifs de Riccardo Ricco et Leonardo Piepoli. Cobo n’a certes pas été pris par la patrouille, mais les doutes à son encontre sont légitimes, vu qu’il était le mieux classé de son équipe au général au moment de la mise hors-course. Depuis Juan José Cobo était en grande difficulté : absence de résultat, manque de motivation, il avait même pensé mettre un terme à sa carrière en début d’année. C’est Mauro Gianetti qui a décidé de le relancer, cette saison, chez Geox, et force est de constater que c’était un coup d’épée dans l’eau jusqu’à ce mois d’août et au Tour de Burgos. Gianetti, l’ex-manager général de la Saunier Duval justement.
Bref, on regardera toujours la performance de Cobo avec prudence, en espérant que l’Espagnol confirme cette bonne passe, pour nous faire mentir justement…
Des déceptions, des révélations et des confirmations
Ce dernier des trois grands tours a été riche en rebondissements et en surprises, en atteste la victoire assez inattendue de l’Espagnol Juan José Cobo. Cette Vuelta fut également riche en révélations. Du côté du Team Sky tout d’abord. On n’attendait pas les coureurs de l’équipe britannique à pareille fête. Wiggins a assuré. Mais surtout, Christopher Froome a éclaté au grand jour. Très bon grimpeur, excellent rouleur, le jeune coureur britannique a pris date. Son mano à mano avec Cobo en dernière semaine a été éblouissant. Quel final dans la Pena Cabarga ! Le kilomètre de l’année. Des attaques incisives de Froome qui a réussi à distancer momentanément l’Espagnol de la Geox avant d’être repris en vue de la ligne. Froome s’est adjugé l’étape, Cobo le général final, au jeu des bonifications. Mais Froome a marqué les esprits trois semaines durant. Incontestablement la révélation de cette Vuelta !
Chris Froome, la révélation du Tour d’Espagne 2011.
Autre révélation, Bauke Mollema. Le Néerlandais de la Rabobank a impressionné par sa régularité. 4eme du classement général final, il a démontré tout son potentiel et son excellente capacité à récupérer sur une épreuve de trois semaines. Avec en prime le maillot de meilleur sprinter sur les épaules, lui le grimpeur.
Du côté de l’équipe luxembourgeoise Léopard-Trek, la très bonne surprise est venue du côté d’un duo très régulier durant l’ensemble de la Vuelta : Maxime Monfort (6eme au général final), Jakob Fuglsang (11eme).
Les confirmations sont quant à elles venues de la part de coureurs tels Dan Martin, Peter Sagan et Marcel Kittel. L’Irlandais Dan Martin a confirmé ses bonnes dispositions entrevues lors du Tour de Pologne. Il a également remporté une belle étape de montagne. Mais surtout, le coureur de la Garmin-Cervélo a montré ses progrès en haute montagne tout en limitant la casse dans l’exercice du contre-la-montre. Autant d’éléments qui laissent augurer un avenir prometteur sur les courses de trois semaines pour Dan Martin. Le Slovaque Peter Sagan a remporté 3 étapes, dont la dernière à Madrid. Pas mal pour une première expérience sur un grand Tour. D’autant plus que le coureur de la formation Liquidas aurait certainement remporté le classement par point s’il n’avait pas été perturbé par les problèmes de signalisation d’un rond-point lors de l’étape remporté par l’Argentin Juan José Haedo. Marcel Kittel, enfin, est venu préparer les mondiaux par le gain d’une étape. Il était attendu après ses cartons sur les routes des 4 jours de Dunkerque et au Tour de Pologne. Il n’a pas déçu pour sa première grande course à étapes.
Trois comme le nombre de victoires du jeune prodige slovaque Peter Sagan sur les routes de la Vuelta. En pleine forme après le Tour de Pologne, Sagan n’a pas déçu pour son premier Grand Tour.
Le plus marquant est certainement venu des déceptions -voire des désillusions- des grands favoris de la Vuelta. Une véritable déroute pour les Vincenzo Nibali, Igor Anton et dans une moindre mesure Joaquim Rodriguez. Ce dernier a en effet remporté avec brio les deux arrivées jugées au sommet de bosses explosives aux pourcentages impressionnants, mais ses espoirs de victoires se sont très vite évaporés. Igor Anton a également sauvé l’honneur en levant les bras chez lui, au Pays Basque, à Bilbao. Mais rien à signaler pour Vincenzo Nibali, absent des débats du début à la fin de la Vuelta.
Côté français, Sylvain Chavanel a porté le maillot rouge de leader en première semaine et David Moncoutié s’est illustré en remportant une nouvelle belle étape de montagne, comme chaque année, en s’octroyant au passage un quatrième maillot de meilleur grimpeur. Record absolu pour le Français qui décidera dans la foulée de rempiler pour une année supplémentaire chez Cofidis. La retraite attendra pour « Moncoucou »…
Une Vuelta au final assez surprenante et indécise, mais, à l’image de la saison, passionnante.
A suivre demain (dernier numéro) : « La fin de saison, Gilbert N°1, Cav’ en arc-en-ciel ».
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Article rédigé par Thomas Guérin l Images : Steephill/Reuters/Site officiel de Liquigas-Cannondale