Petit moment de détente cet été entre matchs amicaux et reprise attendue des championnats respectifs de Ligue 1 et Ligue 2. L’occasion pour Culture Sport de faire un point sur une région phare et amoureuse du football : la Bretagne. Terre de cyclisme, la Bretagne se passionne également pour le ballon rond. Et l’on peut dire que les raisons pour se passionner font légion. Les Bretons ne manquent en effet pas de choix, tant les équipes professionnelles et amateurs sont nombreuses. Rennes, Lorient et Brest qui se disputent la suprématie régionale en Ligue 1, Guingamp, peut-être bientôt rejoint par Vannes (les mystères financiers du football nous en apprendront plus à ce sujet d’ici à quelques jours), en Ligue 2, ainsi que de nombreuses places fortes régionales et/ou locales qui font souvent parler d’eux, à l’image de Plabennec (CFA), la GSI Pontivy (CFA), la Montagnarde (CFA 2). Y inclut-on Nantes (Ligue 2) et autres Carquefou (CFA), rattachés à la Loire Atlantique ? Cet article n’est pas la place de ce débat, mais il faut néanmoins rappeler que la rivalité entre des clubs comme Rennes et Nantes demeure toujours extrêmement forte, dans une autre optique de suprématie régionale. Le football breton ne manque pas d’atouts, de qualités. Sa richesse est l’une de ses principales forces, son public et sa popularité également. Entre abondance, variété et distinction, point de vue sur l’opium du peuple breton !
Une prédominance de tous les instants !
Le terme de prédominance n’est-il pas ici trop fort ? En terme de poids du football breton dans le football hexagonal, la réponse est claire et nette, la prédominance n’est pas de trop. En terme de palmarès en revanche, la réponse est beaucoup plus mitigée. En effet, aucun club breton n’est à l’heure actuelle devenu champion de France par exemple (en excluant ici Nantes), tout au plus se sont-ils hissés en Coupe d’Europe (Guingamp en 1996, 2009 , Lorient en 2002, Rennes en 1965, 1971, 2005 et 2007). Les clubs bretons sont plus adeptes des Coupes, en témoignent les victoires en Coupe de France de Lorient (2002) et de Guingamp (2009, face à … Rennes) récemment.
Néanmoins, les clubs de football bretons sont présents depuis très longtemps dans le paysage du football français. L’exemple phare est ici le Stade Rennais, créé en 1901 et qui a donc fêté en grandes pompes cette année son 110ème anniversaire. Un longévité rare en France. Dans le paysage actuel du football français, les clubs bretons sont présents dans les plus hautes divisions et les plus hautes sphères du football français. Si l’on inclut Nantes, pas moins de 6 clubs sur 40 (Rennes, Lorient, Brest, Nantes, Vannes, Guingamp) en Ligue 1 / Ligue 2 sont bretons, ce qui représente pas moins de 15% du total des clubs.
Et que dire de l’engouement populaire sur les terrains de football ! Au classement du Championnat des tribunes établi par la LFP, classement qui récompense l’ambiance et l’animation du stade, ainsi que la fidélité des supporters à domicile et à l’extérieur, le Stade Brestois et Lorient sont ainsi classés respectivement 2ème et 4ème. De plus au niveau des remplissages des stades, ces 2 clubs se situent en 2ème et 3ème position (88% pour Brest et 86% pour Lorient). Francis-Le Blé et le Moustoir sont ainsi devenues deux places fortes du football actuellement. Un soutien populaire qui a son importance. Rennes, club de la capitale, parvient moins à atteindre cette ferveur, la moyenne de remplissage du stade étant de 75% l’an passé, avec un public surtout familial, même si la donne commence à changer récemment.
En terme d’image et de notoriété, le football breton est également une vitrine parfaite pour sa région. En témoignent les maillots des clubs, dont la majorité des sponsors sont locaux ou régionaux. L’exemple de Breizh Cola, adopté par la majorité des clubs bretonnants, en est l’exemple parfait. Dans cette même idée, le Stade Rennais a ainsi développé lors de la saison 2010/2011 un 2ème maillot, pour l’extérieur, composé d’hermines à l’avant et de rayures horizontales blanches et noires à l’arrière, à l’image du drapeau breton le « Gwenn Ha Du ». Une mise en valeur de la région par un club de foot donc.
L’attractivité du football breton n’est plus à démontrer. Mais entre eux, les clubs ne sont pas en reste et les rivalités demeurent toujours très importantes.
Les clubs bretons sont présents partout !
Des rivalités acerbes
Un portrait du foot breton ne peut ignorer ces rivalités, tant elles sont importantes et ont de l’influence dans le monde professionnel et amateur. Comment à ce titre ne pas évoquer la légendaire rivalité entre Nantes et Rennes ? Rennes et Nantes se sont en effet affrontés à de nombreuses reprises, mais plus que des matchs, ce sont des suprématies régionales qui sont alors en jeu. En effet, ce derby (considéré par certains comme LE véritable derby breton) est de l’avis de certains un des matchs les plus importants de l’année, et c’est presque une obligation pour les joueurs d’en sortir vainqueurs. Néanmoins, la rivalité entre les deux clubs n’est pas aussi forte que celle existant entre le Paris S.G. et l’Olympique de Marseille par exemple, mais les matchs entre les deux équipes sont souvent « chauds » et à ne pas manquer. Cependant, les deux clubs ne jouent plus aujourd’hui dans la même division, Nantes ayant été relégué en Ligue 2 à l’issue de la saison 2009. Mais l’opposition est toujours présente pour autant, ne serait-ce que par les chants de supporters.
Le derby breton n’a pas pour autant disparu. Disons plutôt qu’il s’est déplacé. En effet, ces dernières années, Lorient a arrêté de faire le yoyo entre la Ligue 1 et la Ligue 2, pour se stabiliser en Ligue 1. Le derby breton a donc migré vers l’ouest, la suprématie régionale se jouant désormais plutôt entre Rennes et Lorient. Et le classement final, en plus des deux derbys annuels, a également son importance, afin de savoir quel est le « meilleur » club breton. Mais peu importe les derbys, ils remplissent à coup sur les stades et rythment la saison des clubs, les derbys bretons étant aussi importants, voire plus important, que les matchs contre les grosses cylindrées.
Un autre derby ancestral est également moins à la mode ces derniers temps, mais n’a pas disparu des mémoires. Nous parlons ici bien évidemment des fameuses oppositions mettant aux prises Rennes et Guingamp, qui ont évolué 17 saisons ensemble, comme les oppositions entre la campagne guingampaise (les « paysans ») et la ville rennaise (les « citadins »). Une farouche rivalité s’est donc tissée entre les deux villes au fil des années. Une rivalité qui dura jusqu’au début des années 2000, du temps de la splendeur de l’En Avant Guingamp, avant que celui-ci ne descende en Ligue 2. La dernière rencontre en date entre les deux équipes fut synonyme de jour de gloire pour les Guingampais, triomphant du Stade Rennais en finale de la Coupe de France 2009, dans un « Stade de France breton », auréolé de banderoles de ce type : « Rennes ou Guingamp, c'est la Bretagne qui gagne ! ». Bretagne, terre de football.
Autre rivalité d’importance, celle entre Brest et Guingamp. L’histoire remonte en 1991, année de la liquidation judiciaire du Stade Brestois prononcée par la Ligue de Football Professionnel, alors présidée par … Noël Le Graët, maire de Guingamp et président de l’En Avant Guingamp ! De quoi faire polémique. Néanmoins, la liquidation judiciaire était évidente, au vu des déboires financiers brestois. Depuis, les clubs se sont retrouvés en Ligue 2 lors des années 2000, et la rivalité s’est déplacée sur l’aspect sportif du derby.
Nantes et Rennes, symbole de la rivalité
L’abondance n’est pas à démontrer. Mais le football breton est aussi synonyme de diversité et il se distingue par de nombreux critères. Petit tour d’horizon des principales places fortes bretonnes.
Rennes, fer de lance de la Bretagne
110 d’existence cette année. Le Stade Rennais Football Club, doyen des clubs bretons (créé en 1901), symbole de la capitale et d’une région, est un club tout à fait spécifique en Bretagne. Son palmarès n’est pas des plus impressionnants, loin de là. Seules 2 Coupes de France (en 1965 et 1971) et 2 trophées de Champion de 2ème division (en 1956 et 1983) figurent dans la galerie rennaise. Le club a également été finaliste de la Coupe Intertoto en 1999 et classé 4 fois 4ème dans le Championnat de France de 1ère division ou Ligue 1 (1949, 1965, 2005 et 2007). Mais le Stade Rennais de ces dernières années n’est plus le même. Une profonde restructuration interne y a été menée, sur le long terme, ce qui débouche aujourd’hui sur une politique très spécifique au sein du club.
Le Stade Rennais des années 2000, sous la direction de François Pinault, se modernise en effet. Le club s’installe, durablement, dans le haut du classement de 1ère division, devenant au fil des années l’un des clubs à surveiller en France. Objectif prioritaire : rajouter une ligne au palmarès, ce qui n’a toujours pas été fait depuis l’arrivée de Pinault en 1998, malgré une finale en Coupe de France en 2009.
Pour progresser, le Stade Rennais s’appuie depuis plusieurs années sur son principal atout et pilier : le centre de formation. En effet, il suffit de regarder la formation rennaise de l’an passé (à peine 23 ans de moyenne d’âge) pour bien se rendre compte que la priorité est donnée aux jeunes, encadrés par quelques cadres. Une stratégie risquée car le manque d’expérience est criant, mais payante, la place en Coupe d’Europe décrochée en 2011 par le Stade Rennais le prouve. De plus, le centre formation rennais, la Piverdière, demeure très réputé en France. Ainsi, Rennes s’est vu attribué le titre de meilleur centre de formation de France ces 5 dernières années. La jeunesse est donc le nouveau fleuron du Stade Rennais, qui brille dans les compétitions de jeunes : triple vainqueur de la Coupe Gambardella (dont en 2003 et 2008), Champion de France des réserves professionnelles à 3 reprises, Champion de France des moins de 17 et 18 ans.
Mais Rennes ne s’appuie pas exclusivement sur ses jeunes. La cellule de recrutement bretonne est en effet très développée. Dénichant des joueurs des quatre coins du globe, le SRFC parvient ainsi à engager de bons joueurs à moindre prix, qui permettent au club de progresser. Alexander Frei, Petr Cech ou Kim Kallstrom en sont des exemples parmi d’autres.
Le Stade Rennais, aujourd’hui, aspire plus que tout à se stabiliser dans le haut du classement français, franchir un palier pour (enfin) décrocher une participation en Ligue des Champions. Aujourd’hui représentant du football breton en France, Rennes, souvent décrié, continue néanmoins d’attirer, notamment chez les plus jeunes.
Rennes, fer de lance de la Bretagne
Lorient, le Barca français
Mais Rennes n’est pas seul en Bretagne. D’autres clubs, à l’image du FC Lorient Bretagne Sud, font également très bonne figure. Parfois décris comme « le Barca du football français », Lorient doit avant tout sa réussite à un seul homme : Christian Gourcuff, arrivé sur le banc breton en 1991, alors que Lorient était encore en 3ème division.
Depuis 2006, Lorient s’est enfin installé dans l’élite du football français, cessant de prendre trop souvent l’ascenseur pour la 2ème division. Le club va donc enfin pouvoir se stabiliser. Une stabilité qui va être rudement bénéfique. Ces dernières années, Lorient obtient en effet le meilleur classement de son histoire, décrochant en 2010 une très honorable 7ème place. De plus, la réputation du jeu lorientais ne cesse de prendre de l’ampleur ces dernières années. Sous la houlette de Christian Gourcuff, le jeu produit par les « Merlus » se veut un jeu à une touche de balle, multipliant les décalages et les ballons en profondeur. Gourcuff, qui se dit « amoureux du beau jeu » est donc adepte d’un jeu technique, rapide et fluide, sans cesse porté vers l’avant. Un projet de jeu très spécifique, qui justifie la comparaison (même si elle demeure disproportionnée) avec le Barca. Des joueurs de petit gabarit, mais aux profils très techniques, sont donc l’armature principale du FC Lorient, au contraire par exemple de son voisin rennais, dont la majorité des joueurs ont un profil beaucoup plus athlétique.
Le « Barca français » a également vu du beau monde passer par ses pelouses. Lorient est en effet un club tremplin pour de nombreux joueurs, à l’image de Gignac, Obertan, ou plus récemment Koscielny ou Gameiro. Lorient, équipe de Coupe (vainqueur de la Coupe de France en 2002 et finaliste de la Coupe de la Ligue aussi en 2002), veut donc s’appuyer sur ce noyau dur et technique qui se construit au fil des années pour ambitionner d’aller plus haut et de retrouver la Coupe d’Europe. Autre spécificité lorientaise, qui a fait beaucoup de bruit l’an passé : sa pelouse. Lorient joue en effet, comme Nancy en France, sur du synthétique, ce qui a fait cette année couler beaucoup d’encre, mais qui a permis au club d’avoir une pelouse de qualité tout au long de la saison et de diminuer son nombre de blessés.
Les Merlus, le beau jeu breton
Brest n’est pas en reste
Comment évoquer le football breton sans évoquer le Stade Brestois 29 ? Un passé mouvementé, marqué par une rétrogradation financière en 1991, notamment, ce qui fut un marqueur clé de la rivalité avec les Guingampais. Repartant en troisième division, les années 2000 vont marquer la renaissance du Stade Brestois, avec une montée en Ligue 2 en 2004, puis en Ligue 1 en 2010.
Certes, le palmarès du Stade Brestois est maigre, le principal trophée étant un titre de Champion de France de Ligue 2 en 1981. Le club s’est en effet surtout distingué ces deux dernières saisons. Sous la houlette d’Alex Dupont, le club est ainsi remonté en Ligue 1, terminant 2ème de Ligue 2, le tout grâce à un collectif de tous les instants. Et c’est bel et bien ce collectif qui fait la force de Brest. En effet, aucune individualité ne se dégage du groupe et c’est la force collective de l’équipe qui la tire vers le haut. Lors du dernier exercice, Brest a réussi à conserver son noyau dur, ce qui lui a permis de réaliser une bonne saison pour son retour dans l’élite (le club à même été 1er à deux reprises). Des joueurs tels qu’Elana, Roux ou Grougi sont ainsi les symboles du renouveau brestois.
Mais parler de Brest nous oblige forcément à parler de son public. Public qui se déplace en nombre à Francis-Le Blé, enceinte des rouges et blancs brestois. En effet, en termes d’affluence, Brest est ce qui se fait de mieux en France, seulement doublé par Lille. Le taux de remplissage des tribunes est ainsi de 87,73% (contre 91,44% pour Lille), pour une moyenne de 13 549 spectateurs (pour environ 16 000 places). De plus, dans le Championnat des tribunes, chargé de récompenser l’ambiance et l’animation au stade, ainsi que la fidélité des supporters à domicile mais aussi en déplacement, Brest se classe également en seconde position, talonnant de près Marseille. Les Bretons meilleur public de France ? La marche n’est pas si haute.
Brest, ancré plus que jamais dans le foot breton
Aticle réalisé par Gwendal Le Priellec | Images : AFP