Avant le Grand Départ du Tour de France, donné de Vendée, le 2 juillet dernier, un des équipiers de Cadel Evans a accepté de répondre à nos questions. Mathias Frank, sixième du dernier Tour de Suisse, troisième du championnat de Suisse du chrono derrière son équipier Martin Kohler et Marcel Wyss (Geox-TMC), a déclaré que son leader, ancien porteur du maillot arc-en-ciel, pouvait accrocher le podium final à Paris dimanche. Entretien.
Culture Sport : Mathias, à quel âge as-tu débuté le vélo en club ?
Mathias Frank : J’avais seize ans.
Culture Sport : Pourquoi as-tu choisi ce sport ? Il n’est pas très populaire en Suisse…
Mathias Frank : Dans la région où j’ai grandi, le cyclisme est assez populaire. Ma ville natale possède un des plus gros et des plus traditionnels clubs de Suisse, le VC Pfaffnau-Roggliswil. Mon père y était et courait des compétitions amateurs. Mon petit frère s’est inscrit au club et m’a ensuite emmené à ses entraînements.
Culture Sport : Par quels clubs es-tu passé avant BMC ?
Mathias Frank : J’ai seulement couru avec le VD Pfaffnau-Roggliswil.
Culture Sport : Tu es passé professionnel en 2008, chez Gerolsteiner. Te souviens-tu de ce que tu faisais quand ils t’ont contacté ?
Mathias Frank : C’était juste après le Grand Prix Guillaume Tell, dont j’ai remporté la dernière étape. Le contact s’est fait par l’intermédiaire de mon directeur sportif Kurt Steinmann. Il connaissait beaucoup de personnes faisant partie de l’encadrement de Gerolsteiner, du fait de ses années passées en tant que cycliste professionnel et en tant que directeur sportif de l’équipe nationale.
Culture Sport : Avais-tu eu des contacts avec d’autres équipes professionnelles ?
Mathias Frank : Oui, j’ai eu plusieurs propositions, aussi de BMC.
Culture Sport : L’année dernière, outre ta victoire au Grand Prix Guillaume Tell, tu as fait deuxième des championnats de Suisse sur route et contre-la-montre. Ça a été une grosse déception ?
Mathias Frank : C’est vrai que je n’ai jamais porté le maillot de champion de Suisse, mais j’ai terminé trois fois second et une fois troisième dans différentes catégories. Être deuxième de cette course est toujours une petite frustration, particulièrement parce que je fais second au sprint, avec simplement un autre coureur. La dernière fois, j’ai perdu contre Fabian Cancellara. Avoir le maillot de champion national professionnel est peut-être mon plus gros objectif.
![]() | "Je suis très heureux de mon résultat au Tour de Suisse (sixième au général, ndlr). J'étais en bonne forme après le Giro" |
Culture Sport : En France, nous te connaissons surtout grâce au Tour de Suisse. L’année dernière, tu as terminé meilleur grimpeur. C’était ton objectif ?
Mathias Frank : L’année passée, mon objectif était de gagner une étape, j’ai donc souvent été dans les échappées. J’en ai aussi profité pour marquer des points pour la montagne et pour les sprints intermédiaires. Ainsi, j’ai remporté ces deux maillots.
Culture Sport : Et cette année, tu finis sixième du classement général. Es-tu content de ce résultat ?
Mathias Frank : J’en suis très heureux. Je savais que j’étais en bonne forme après le Giro, et j’avais pour but de rentrer dans les dix.
Culture Sport : Tu as été le héros de l’étape arrivant à Triesenberg. Alors que tu es tombé au pied de la dernière ascension, tu arrives à revenir sur le groupe des favoris pour terminer septième. Etais-tu le plus fort ce jour là ?
Mathias Frank : Je ne sais pas, mais j’étais sans doute très bien. Cet effort m’a montré que je pouvais me frotter aux plus grands coureurs. Avec un peu de chance, le top cinq était possible. Cela m’a donné beaucoup de confiance pour les étapes qui suivaient.
Culture Sport : Tu as participé au trois Grands Tours, même si tu as dû abandonner sur la Vuelta et le Tour de France. Mais pour un Suisse, est-ce que le Tour de Suisse n’est pas plus beau que les autres ?
Mathias Frank : Pour moi, les Grands Tours sont extrêmement différents des courses d’une semaine comme le Tour de Suisse. J’ai prouvé que je peux être bon dans de telles courses, et être solide sur une semaine. L’être sur une course de trois semaines est très largement différent. Mais j’espère qu’avec les années et l’expérience, je pourrais être un coureur de Grand Tour. Mais pour l’instant, je me concentre sur des compétitions de sept ou huit jours, comme la Suisse et la Romandie.
Culture Sport : Quel est ton bilan de ce Tour de Suisse 2011 ?
Mathias Frank : De tous les points de vue, c’est ma meilleure course depuis bien longtemps.
Culture Sport : Grâce à tes performances dans ton pays, tu es devenu une star du vélo en Suisse. Es-tu conscient que tu représentes sans doute l’avenir du cyclisme Suisse ?
Mathias Frank : Je ne pense pas être une star (rires). J’espère pouvoir encore progresser et devenir un bon coureur. Mais je ne prête pas trop attention à ce que disent les gens, ou à ce qu’ils attendent. Je fais du vélo pour le plaisir, et je ne laisse pas les autres me mettre de la pression avec leurs espoirs.
Culture Sport : Maintenant, tu es en pause. Quel est ton programme ensuite ? La Vuelta ?
Mathias Frank : Je ferais le Tour de Wallonie, la Clasica San Sebastian, puis l’autre gros objectif de la saison, la Vuelta.
Culture Sport : Tu n’as que vingt-quatre ans. On a déjà eu une partie de la réponse, mais penses-tu pouvoir faire quelque chose bien sur un tour de trois semaines, dès l’année prochaine ?
Mathias Frank : Sur le Tour d’Espagne, je soutiendrai Cadel Evans. J’espère être capable de l’accompagner en montagne. Durant le Giro, j’ai pris quelques bonnes échappées, et avec un peu de chance, j’aurais pu gagner une étape. Si je vais devenir un homme de trois semaines, je ne le sais pas.
Culture Sport : Passons aux questions personnelles. Quelles sont tes autres passions dans la vie ?
Mathias Frank : Quand je suis à la maison, j’aime passer du temps avec ma copine, ma famille, et mes amis.
Culture Sport : As-tu des idoles ?
Mathias Frank : J’admire vraiment Roger Federer. J’aime sa passion pour son sport, et sa personnalité.
![]() | "Le Tour de Suisse montre tous les ans que le cyclisme est populaire dans notre pays. Mais il y a de moins en moins de jeunes coureurs. C'est triste" |
Culture Sport : A travers les voyages que vous faites pour le vélo, quel pays préfères-tu ?
Mathias Frank : J’ai vu beaucoup de très jolis endroits à travers le monde, mais je reste amoureux de la Suisse. C’est réellement un très joli pays pour vivre, et pour s’entraîner !
Culture Sport : Quel coureur choisirais-tu pour partir en vacances ?
Mathias Frank : Mon co-équipier Martin Kohler. Nous sommes déjà en train de planifier nos prochaines vacances…
Culture Sport : Connais-tu personnellement d’autres sportifs (non cyclistes) ?
Mathias Frank : La scène sportive Suisse est assez réduite, donc je connais pas mal d’athlètes d’autres sports.
Culture Sport : Revenons un peu au cyclisme. Comment le vélo est-il vu en Suisse ? Crois-tu que la jeunesse s’y intéresse ?
Mathias Frank : Le Tour de Suisse montre comme tous les ans comment le cyclisme est populaire dans ce pays. Malgré ça, il y a de moins en moins de jeunes coureurs Suisse, et c’est très triste.
Culture Sport : Après ton beau tour de Suisse, es-tu toujours prêt à travailler à fond pour Cadel Evans ?
Mathias Frank : J’aime travailler pour lui. C’est un très bon leader, et je peux apprendre beaucoup à ses côtés.
Culture Sport : Un petit pronostic pour le Tour de France ?
Mathias Frank : Je pense que la bataille pour le podium sera plus serrée que le gens ne le pensent.
Culture Sport : L’objectif de BMC sur le Tour ?
Mathias Frank : Tout pour Cadel, il peut accrocher le podium.
Culture Sport : Et enfin, que peut-on te souhaiter pour les années à venir ?
Mathias Frank : De la chance et la santé, c’est ce dont j’ai besoin.
Propos recueillis par Maxence Châble l Article réalisé par Nicolas Gréno l Images : Site officiel de Mathias Frank