Eddy Merckx, Raymond Poulidor, Jan Raas, Roger De Vlaeminck, Sean Kelly, Paolo Bettini. Ces légendes du cyclisme, ces rois de la petite reine ont en commun la manière avec laquelle ils ont remporté la Primavera. Chacun de ces grands champions ont forgé leur victoire dans l'ascension ou dans la descente du mythique Poggio. Mais depuis 2006 et la victoire de Filippo Pozzato sur la Via Roma, le joyau de la classicissima n'avait plus offert la victoire à un attaquant, pire, en quinze éditions, seul « Pipo » Pozzato, Paolo Bettini et Fabian Cancellara (dans les rues de San Remo et non dans le Poggio) avaient réussi à faussé compagnie aux sprinteurs. Cette année, la côte de trois kilomètres sept cents a retrouvé de sa superbe grâce à Simon Gerrans, Vincenzo Nibali et Fabian Cancellara.
A un peu plus de sept kilomètres de la ligne d'arrivée, le requin de Messine a mis le feu aux poudres en attaquant dans le Poggio. Les seuls Gerrans et Cancellara ont été capables de suivre l'Italien. Spartacus a alors pris les commandes du trio de tête. Ses deux compagnons d'échappée, inférieurs au Suisse, étaient incapables de prendre un relais. Cancellara, visiblement très sûr de lui, est resté seul à la manœuvre jusqu'à cent mètres de la ligne où Simon Gerrans, plus malin, l'a débordé. Les trois hommes avaient conservé deux secondes d'avance sur un groupe de huit coureurs notamment composé de Sagan, Pozzato, Freire, Ballan, Degenkolb…
Simon Gerrans a donc bien joué le coup et a écrit ce samedi la plus belle ligne de son palmarès. Sur le Lungomarre, il succède à son équipier et compatriote, Matthew Goss. Après 101 éditions exclusivement européennes, Milan-San Remo devient australienne pour la deuxième fois d'affilée. Gerrans offre également une belle entrée en matière à la formation GreenEdge. Si l'Australien est la bonne surprise de cette édition, la course 2012 ne rentrera pas dans les annales. Outre les sept derniers kilomètres très indécis, la classicissima a été assez décevante dans son ensemble. Après une des plus belles éditions en 2011, les tifosi italiens ont de quoi être déçus : peu de mouvements de courses, plusieurs favoris amorphes…
La grande déception de ce Milan-San Remo restera Mark Cavendish, lauréat 2009. Lâché dans la Manie à l'instar d'autres sprinters (Farrar, Petacchi, Bole…), à plus de quatre-vingt-dix kilomètres de l'arrivée, le champion du Monde en titre n'a jamais été dans le coup. Le coureur de l’Île de Man a chaque fois été à la peine lorsque la route montait. Son équipe a également péché en faisant rouler la majorité d'entre elle pour ramener le leader britannique. Hypothétique espoir ! Cavendish, résigné et conscient de sa méforme, a fait stopper ses troupes à plusieurs dizaines de kilomètres de l'arrivée, laissant ainsi partir le reste du peloton vers la victoire. La formation Sky a donc mal joué le coup en abandonnant son second leader, Edvald Boasson Hagen. Le Norvégien seul n'a pas été en mesure de s'illustrer.
Les organisateurs avaient vu juste quand, en 2008, ils avaient inséré l'ascension de la Manie pour durcir la course. Ces deux dernières années, cette côte longue de cinq kilomètres a fait par deux fois une sélection irrémédiable. L'année dernière, les chutes à répétition avaient permis à un groupe d'une quarantaine de coureurs de s'envoler vers la victoire alors que, cette année, elle a été privé Mark Cavendish de succéder à Giuseppe Saronni, dernier champion du Monde victorieux à San Remo.
Le frustré du jour peut-être, à juste titre, Peter Sagan. En voyant Vincenzo Nibali, son équipier, attaquer dans le Poggio, le champion de Slovaquie n'a pas pu répliquer et sauter dans sa roue alors qu'il aurait sans doute été en mesure de suivre le rythme de Gerrans, Nibali et Cancellara. En roulant en tête du trio, Spartacus a offert la victoire sur un plateau à Simon Gerrans et a sans doute privé le coureur Liquigas d'une première victoire de prestige. Si le groupe des huit étaient revenu de l'arrière, Sagan aurait remporté la Primavera vu qu'il était le plus rapide. Philippe Gilbert peut également être déçu. Il n'a pas su se mêler aux meilleurs à cause d'une chute dans la Cipressa.
Dans l'optique des prochains monuments du cyclisme que sont le Tour des Flandres et Paris-Roubaix, Fabian Cancellara a démontré qu'il était fin prêt et était en mesure de rééditer sa performance de 2010 en s'imposant au Ronde comme dans l’Enfer du Nord. Tom Boonen devrait également être au rendez-vous. A plus long terme, Philippe Gilbert semble s'être rétabli et en meilleure condition que lors de Tirreno-Adriatico.
Pour les prochains épisodes vélocipédiques de 2012, rendez-vous dès la semaine prochaine pour A Travers la Flandre, le grand Prix de l'E3 et Gand-Wevelgem.
Article réalisé par Pol Loncin
Crédit photos : Roberto Bettini