Rétro 2010 : Certains déçoivent alors que Fignon s’échappe au paradis

La saison cycliste est riche de faits en tous genres. La fin d’année, régulièrement utilisée pour les rétrospectives, est donc propice pour se remémorer les plus beaux souvenirs, les plus tristes aussi, des trois cent soixante-cinq derniers jours. En neuf numéros, replongez vous dans cet excellent cru 2010 qui a vu Cancellara réaliser un merveilleux triplé (Roubaix, Flandres, Mondial CLM), Hushovd devenir le premier Norvégien Champion du Monde, Cavendish craquer et fondre en larmes, Voeckler briller et hisser haut les couleurs Françaises avec ses autres compatriotes dans le Tour (six victoires d’étapes), Contador briguer une troisième couronne après avoir mangé une mauvaise viande, Nibali triompher pour la première fois dans un Grand Tour et Basso revenir au premier plan. La mort de Laurent Fignon nous a également beaucoup marqué. Flashback.

D DECEPTIONS

Lance Armstrong (USA, Team RadioShack) : 0 victoire. Meilleure perf’ : Deuxième du Tour de Suisse.
Après une violente chute lors du Tour de Californie, qui lui vaudra quelques plaies faciales, l’Américain revient en force en montant coup sur coup sur les podiums des Tours du Luxembourg (troisième) et de Suisse (deuxième). Comme l’an passé, et encore plus cette saison, le septuple lauréat du Tour de France suscitait les espoirs les plus fous dans sa quête à une huitième couronne. Malheureusement, celui qui ne chutait presque jamais a goûté encore une fois (deux plutôt) aux plaisirs du bitume. Dès la première grande étape de montagne, le Ricain abandonne tout espoirs au général.
Alessandro Ballan (ITA, BMC Racing Team) : 0 victoire. Meilleure perf’ : Troisième du Championnat d’Italie.
Encore porteur du maillot arc-en-ciel la saison dernière (de janvier à septembre), l’Italien a connu une saison noire, vierge de tout succès. La plus belle place que Ballan a réalisé en 2010 est "seulement" une troisième place lors de son championnat national. Ce n’est pas digne de son statut. Malheureusement, au cours de la saison des classiques, l’ancien coureur de la Lampre a été suspendu par sa nouvelle formation à cause d’une enquête visant le team de Cunego.
Tom Boonen (BEL, Quick Step) : 4 victoires. A part ça ? Deuxième de Milan-San Remo, du Grand Prix E3 et du Tour des Flandres.
C’est le grand battu des Flandriennes. Second à Harelbeke et lors du "Ronde" derrière Fabian Cancellara (voir rétro numéro 1), Boonen n’est pas parvenu à décrocher la moindre grande classique en 2010. Battu par Oscar Freire dans Milan-San Remo, le Belge attend toujours de triompher en Italie. En début d’année, le coureur de la Quick Step a gagné quatre étapes (Tirreno-Adriatico, Tour d’Oman et du Qatar). Mais après, rien.
Damiano Cunego (ITA, Lampre-Vini Farnese) : 0 victoire. Meilleure perf’ : Cinquième de la Flèche Wallonne.
Le Petit Prince n’est plus. Comme son ancien équipier Ballan, l’Italien a été transparent. Il a passé l’année 2010 caché, dans les pelotons. Tel un coureur banal. D’habitude, le vainqueur du Giro 2004, levait souvent les bras. Cette année aucune victoire et aucun grand podium. Son meilleur classement restera une cinquième place dans la Flèche. Conquise au sommet du Mur de Huy.
Heinrich Haussler (ALL, Cervelo TestTeam) : 1 victoire. A part ça ? Deuxième du Circuit Het Nieuwsblad.
Une chute anodine peut parfois avoir des effets irréversibles. C’est le cas d’Haussler cette année. Grande confirmation de la saison dernière, le coureur Allemand naturalisé Australien a souffert jusqu’au Tour de Suisse où il semblait bien revenir en vue de la Grande Boucle. Malheureusement, la fameuse chute massive engendrée à cause de Cavendish lui sera fatale. Haussler a quand même terminé second du Het Nieuwsblad.
Roman Kreuziger (TCH, Liquigas-Doimo) : 2 victoires. A part ça ? Quatrième de Paris-Nice.
Neuvième du Tour de France 2009, le Tchèque semble bien aimer cette place. Lors de la dernière édition, il termine une nouvelle fois à ce rang. Saison plutôt ordinaire pour un des grands espoirs du cyclisme mondial. Vainqueur du Tour de Sardaigne pendant que son équipier Italien Nibali s’impose à la Vuelta (3ème du Giro), le bilan global 2010 est plutôt décevant pour le futur coureur d’Astana.
Christophe Le Mével (FRA, Française des Jeux puis FDJ) : 2 victoires. A part ça ? Deuxième du Championnat de France.
On attendait monts et merveilles de notre coureur tricolore. Auteur d’un top dix inattendu lors de la Grande Boucle l’an passé, le vice Champion de France n’a pas su (surtout pas pu) rééditer cette superbe performance. C’est dommage. Dommage d’autant plus que le Tour était l’objectif principal de sa saison. Mais il ne faut pas oublier sa très belle prestation lors du Tour du Haut Var qu’il a remporté avec brio.
Filippo Pozzato (ITA, Team Katusha) : 2 victoire. A part ça ? Quatrième du Championnat du Monde.
Encore un Italien à la dérive. Un de plus. Grand animateur des Flandriennes l’an passé (1er au GP E3, 2e à Roubaix, 5e dans les Flandres), "Pippo" a déçu cette année. Il n’a jamais pu rivaliser avec les Boonen, Flecha et autres Cancellara. Meilleure performance cette année, outre une victoire dans son tour national, de surcroît avec le maillot tricolore sur les épaules ? Une médaille en chocolat lors du Mondial de Melbourne. Mouais…
Carlos Sastre (ESP, Team Cervelo TestTeam) : 0 victoire. Meilleure perf’ : Troisième de la Clasica San Sébastien.
La fin semble proche pour le vainqueur du Tour de France 2008. Le coureur Espagnol avait annoncé qu’il visait le podium en Italie lors du Giro. Troisième l’an passé (après le déclassement de Di Luca) et lauréat de deux très belles étapes de montagne, Sastre a terminé un cran au dessous en 2010 : huitième. Vingtième du Tour, le coureur de la Cervelo avait tenté une attaque, en vain, dans l’étape qui était jugée au sommet du Tourmalet. Tout cela était pour améliorer son classement général : un flop.

Bradley Wiggins (GBR, Team Sky) : 2 victoires. A part ça ? Troisième du Tour de Murcie.
Le Tour, toujours le Tour. Après les déceptions Armstrong, Le Mével, Kreuziger et Sastre, Brad Wiggins n’échappe pas à la règle. Le coureur Britannique, qui avait stupéfait tout le monde l’an passé dans la Grande Boucle avec sa quatrième place n’a pas réussi à réaliser l’exploit. Celui de grimper sur le podium. La première fois, pour un Anglais. Le Team Sky avait tout mis en œuvre pour que cet objectif se concrétise. 24ème à Paris, largué dès Morzine-Avoriaz, la déception fut immense.

E EAU
La pluie. C’est un élément incontournable dans la vie d’un coureur cycliste. Cette année, les caprices du ciel ont fait mal. En témoigne trois courses qui resteront à tout jamais gravées dans le grand livre de la saison 2010.

11ème étape du Giro d’Italia (Lucera > L’Aquila), mercredi 19 mai.
Ils ne le savaient pas encore mais les rescapés de la première semaine vont terriblement souffrir. Cette onzième étape est la plus longue depuis dix ans (deux cent soixante-deux kilomètres). A l'arrivée, la voiture balais enregistrera onze abandons. Dès le début de l'étape, le ton est donné. Une cinquantaine de coureurs s'extirpent du peloton, chose extrêmement rare dans le monde cycliste. L'écart entre le gros peloton de tête et le petit groupe de favoris (le monde à l'envers) montera jusqu'à dix-huit minutes. Sous une pluie diluvienne, Evgueni Petrov exulte. Il remporte l'étape (avec douze minutes de marge sur le peloton) pendant que la révélation du Giro, Richie Porte, s'empare du Maillot Rose après une étape folle.
2ème étape du Tour de France (Bruxelles > Spa), lundi 5 juillet.
La Belgique est un pays réputé pour son mauvais temps. En ce 5 juillet, ça n'a pas manqué. Les quelques cent quatre-vingt coureurs qui composent la caravane du Tour en ont fait l'amère expérience. Pendant que Sylvain Chavanel réalise un numéro à l'avant de la course, déjà habitué au temps de chien qui règne en Belgique (notamment lors de sa victoire dans la Flèche Brabançonne 2008), le peloton, lui, a plus de mal à gérer ce temps pourri. Dans la descente du Stockeu, un coureur part à terre. Il est suivi par la moitié de ses homologues, environ. Andy Schleck est une des victimes du jour. Le leader du Tour, Cancellara, ordonne aux indemnes d'attendre son leader, le Maillot Blanc sortant. La route, transformée en patinoire est dangereuse. Mikaël Delage, se fracture le visage (maxillaire supérieur). A l'arrivée, le Maillot Jaune neutralise la course et refuse qu'un sprint se déroule. Les points pour le Maillot Vert ne seront pas attribués.
Maxime Bouet, qui voulait disputer le sprint massif, transgresse les lois du Roi Suisse. Deuxième d'un classement complètement faussé, il est applaudit par Fabian et s'attire les foudres d'Eisel.

Tour de Lombardie (Milan > Côme), samedi 16 octobre.
L'automne pointe le bout de son nez. La "classique des feuilles mortes" n'a jamais aussi bien porté son nom. Les feuilles jonchent le sol détrempé des routes lombardes. Outre la pluie, le brouillard est présent. Les nuages sont "accrochés" au ciel. Il fait froid. Une brise glaciale. Dans la descente de la Colma di Sormano, Nibali chute. L'Italien, vainqueur sortant de la Vuelta, un des meilleurs descendeurs du monde, vient de glisser sur une feuille... En tête avec Gilbert et Scarponi, il abandonne dans la quête à la victoire. Finalement, sous les cordes, le Belge triomphe pour la seconde fois de suite.
Avec de telles conditions climatiques, apocalyptiques, certains coureurs ont préféré abandonner et stopper net leur saison 2010. Cent soixante et un abandons ont été comptabilisés. Seulement tente-quatre cyclistes sont arrivés à Côme.

F FIGNON LAURENT
Il nous a quitté. Parler une nouvelle fois de sa mort me fait mal. Je ne sais pas vous, mais je m’étais beaucoup attaché à ses commentaires, à sa voix, pendant les retransmissions de France Télévision. Pour compléter cette partie, je vous propose donc des extraits de l’article que j’avais rédigé le jour de l’annonce de son décès. Le triste 31 juin 2010.

Adieu Monsieur "le Professeur". C’est un véritable coup de massue. On a encore du mal à réaliser. La nouvelle est tombée dans le treize heures de France 2, mais nous ne voulons pas y croire. Il était encore là, il y a plus d’un mois, pour notre plus grand bonheur. Il commentait le Tour de France pour France Télévisions, avec son franc-parler. Malgré son cancer. Malgré sa voix malade (à cause d'une tumeur qui appuyait sur un nerf). Malgré la fatigue. Cela vous montre un peu le Monsieur qu’il était. Laurent Fignon s’est battu jusqu’à son dernier souffle. Comme il savait le faire sur un vélo, lui le coureur à l’immense palmarès. Triste fin pour un des meilleurs coureurs Français de l’Histoire. Fignon laisse une famille, des amis, des fans, des téléspectateurs orphelins. Le Tour 2011 aura une saveur particulière sans lui. Dans la dernière édition de la Grande Boucle, son double vainqueur (1983, 1984), recevait des messages de soutien via des panneaux disposés un peu partout sur le territoire hexagonal. Pourtant on pensait qu’il allait mieux au fil des étapes. Mieux qu’à la fin de l’édition 2009. Laurent Fignon, avait demandé à reprendre sa place tous les jours. Mais il est tristement mort. Emporté à, seulement cinquante ans, d’un cancer. Une saloperie de cancer. Il y a un, Fignon avait annoncé dans son ouvrage "Nous étions jeunes et insouciants", qu'il souffrait d'un cancer avancé des voies digestives. Dans ce même livre il avait reconnu la prise d'amphétamines et de cortisone. D’après les médecins, cela n’a pas influé sur la maladie. [...] "Le professeur" courrait toujours avec ses petites lunettes aux verres ronds et ses petits bandeaux autour de la tête. [...] Aujourd’hui, à la mi-journée, un grand Monsieur du sport s’est éteint à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière.


Un autre ancien coureur emblématique nous a quitté. Le sélectionneur de l’équipe Italienne, Franco Ballerini, s’est tué dans un accident de voiture (7 février), à l’âge de qua quarante-cinq ans, pendant qu’il participait à un rallye en Toscane. L’automobile, c’était sa deuxième passion. Double vainqueur de Paris-Roubaix (1995, 1998), il affectionnait particulièrement cette épreuve. Vainqueur de quatre Mondiaux (avec Cipollini en 2002, Bettini 2006-2007 et Ballan 2008) ainsi qu’une médaille d’or aux Jeux Olympiques (Athènes 2004 avec Bettini), au volant de sa voiture de manager de la "Squadra Azzura", Ballerini restera comme un des meilleurs à ce poste.

Dans son dernier numéro de l’année, Vélo Magazine lui consacrait un article. Quelques jours après sa parution, Aldo Sassi décéda à l’âge de cinquante et un ans, emporté par un cancer. Cet entraîneur italien était mondialement connu pour avoir collaborer avec Cadel Evans, Daniele Nardello, Dario Cioni, Charles Wegelius, Mikaël Rogers ainsi que les deux repentis Ivan Basso et Riccardo Ricco. D’ailleurs, il commençait tout juste à coacher le "cobra".

L’information a eu le don de jeter le trouble pendant la Vuelta. Txema Gonzalez, le masseur du Team Sky est mort à l’âge de quarante-trois ans, le 3 septembre dernier. Dans le coma à l’hôpital de Séville, il a été atteint par une maladie virale, suite à une intoxication alimentaire. Trois autres coureurs de l’équipe Britannique ont été contaminés eux aussi. Une minute de silence a été observée au départ de la huitième étape. L'ensemble du Team Sky c'est retiré de la course.

Eux aussi sont partis vers d’autres cieux.
9 février : Davy Coenen, Belgique, 29 ans
20 février : Giovanni Pettenella, Italie, 66 ans
28 février : Roger Milliot, France, 66 ans
8 mars : Guy Lapébie, France, 93 ans
8 avril : Jorge Alvarado, Mexique, 27 ans
2 juin : Gabriele Sella, Italie, 47 ans
13 juillet : Nino Defilippis, Italie, 78 ans
29 juillet : Zlatica Gavlakova, France (née en Tchécoslovaquie), 32 ans
10 août : Radomír Simunek, République Tchèque, 48 ans
14 septembre : Thomas Casarotto, Italie, 20 ans
24 septembre : Jure Robic, Slovénie, 45 ans
19 octobre : André Mahé, France, 90 ans
19 octobre : Hermann Krott, Hollandais, 77 ans
27 octobre : Jängy Schmit, Luxembourg, 79 ans
15 novembre : Richard Van Genechten, Hollandais, 80 ans
18 décembre : Armando Borrajo, Argentine, 34 ans

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Article réalisé par Nicolas Gréno
Images : AFP/Sirotti/Bettini/Riccardo Scanferla