Ça y est ! Avec le bien nommé Grand Prix d’ouverture, sis à Marseille, la joute vélocipédique déboule sur notre vieux continent, après quelques rodages australs et quelque aventure tropicale « pour la forme », dirai-je.
Certes, cet annuel débarquement de Provence (le triptyque Marseillaise - Bessèges - Haut-Var) devra partager les feux de l’actualité cycliste avec les courses des pays de l’or noir, là où le vélo construit sa réputation à coup de gros cachets. Mais, pour quiconque aime ce sport, rien ne saurait concurrencer l’authenticité de ces épreuves à l’accent du Midi.
Bien sûr, on regrettera que l’avant-saison ait eu cet arrière-goût de viande espagnole, que cette noble discipline ait été, une fois encore, rangée dans la rubrique fait divers des gazettes et raillée par ses sempiternels détracteurs. Je ne dirai mot sur le sujet ; car aux faits divers je préfère les fées d’hiver ; entendez par cette expression les courses de janvier et février, celles qui scellent nos retrouvailles avec le peloton et augurent de saines espérances.
L’humeur n’est donc pas au sarcasme, mais au lyrisme. Car – et c’est peut-être là mon point faible – les prémices de la saison cycliste me troublent, m’émeuvent, me remuent les tripes, un peu comme un jeune premier, frêle éphèbe, victime des émois amoureux naissants qui savoure innocemment l’aurore de ces instants précieux.
« Il est devenu fou », murmurez-vous déjà. J’assume ! Aussi, à l’approche de la Saint-Valentin, rebaptisée pour la circonstance Saint-Vélotin, je profite de cette tribune pour déclarer ma flamme (rouge) à la petite reine. Pardonnez par avance le manque de pudeur qui va suivre.
De même qu’une première aventure amoureuse, vivre in situ le départ du Grand Prix d’ouverture met les sens en éveil. Voyez cet instant, quand, dans la froideur matinale, se mêle aux fumets des cheminées le parfum enivrant des baumes chauffants ; quand les dérailleurs entonnent à nouveau leur doux air mécanique ; quand l’œil est ébloui par un peloton bourgeonnant de ses nouvelles recrues, chamarré de ses dernières couleurs ; lorsque l’on déambule parmi les bus des équipes en effleurant ces humbles champions sur leurs machines, librement, sans entrave, sans accréditation ni barrières, loin du gigantisme outrancier de juillet.
Puis, dans ce chahut bon enfant, vient l’heure où le peloton se forme sur la ligne de départ. Il est là, à quelques centimètres seulement. Alors, avant qu’il ne s’évanouisse dans l’horizon, l’on jette un dernier regard langoureux sur l’essaim. Dans cette confusion teintée de mélancolie douce et rêveuse, les applaudissements s’entrelacent aux cliquetis des bielles. Ultime instant de partage qui s’apparente à un baiser volé. Dieu que c’est agréable !
Hélas, ce n’était qu’un flirt. Il y en aura d’autres, au printemps venu : sur les flancs du Poggio, sur les pavés du Nord, dans les monts ardennais, et j’en passe. Les expériences s’enchaîneront six mois durant, jusqu’à l’orgasme de juillet, jusqu’au Grand Départ du Tour. Alors, quelque part en Vendée, l’amoureux transi du vélo deviendra un amant passionné.
Mais, l’été passé, les masques tomberont, comme toujours : l’on découvrira qu’il s’agissait d’une relation faussement sincère, entretenue seulement par la prise d’aphrodisiaques et autres substances dopantes. Il n’empêche, l’on ne pourra oublier ces moments de bonheur fictif ; la rupture n’en sera que plus cruelle. C’est bien connu : « les histoires d’amour finissent mal, en général ». Cela vaut aussi pour le cyclisme.
Article et montage réalisés parVincent Davayat
Le cycle des amours
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