La France du cyclisme se prend à rêver. Un de ses meilleurs coureurs est en jaune au sortir du premier massif montagneux. Thomas Voeckler a été héroïque lors de l’étape de Luz-Ardiden. L’ancien double champion de France a remis ça hier. Il a suivi les meilleurs dans la montée du Plateau de Beille, lieu où il avait déjà sauvegardé sa tunique dorée pour vingt-deux secondes en 2004 face à un certain… Lance Armstrong. Là, « Ti-Blanc » détient une avance d’une minute et quarante-neuf secondes sur Franck Schleck, son dauphin. Alors ? Peut-il conserver son Maillot Jaune jusqu’à Paris et succéder à Bernard Hinault, dernier lauréat tricolore en 1985. Vingt-six ans, déjà…
On a envie de dire OUI
• Parce qu’il a le soutien de Lance Armstrong
Ca peut vous paraître étonnant, mais oui, le septuple vainqueur du Tour de France voit Thomas Voeckler le rejoindre au palmarès de l’épreuve. Le Texan est même très optimiste quant aux chances de victoires finales du coureur Français : « Si Voeckler arrive au sommet avec les leaders aujourd'hui, alors on doit dire qu'il peut gagner le Tour de France. Il a deux minutes d'avance sur eux et ils n'ont pas réussi à le lâcher. Il ne se dandinait pas aujourd'hui (hier). C'était l'un des plus forts. Les autres n'y croyaient pas assez et/ou n'étaient pas assez agressifs pour faire une sélection. Il a 2'06'' d'avance sur Evans. Le dernier contre-la-montre fait 42 km. Il est Français. C'est le Tour de FRANCE. Il ne perdra pas 2'06'' dans le dernier contre-la-montre s'il garde le contact dans l'Alpe d'Huez. Enfin, le mec sait souffrir.» Si c’est le « Boss » qui l’annonce… C’est qu’il a sans doute raison. Réponse la semaine prochaine !
• Parce qu’il est sur SES routes
Quand ils sont sur le Tour, les coureurs Français sont déjà plus en canne que d’habitude. Mais quand ils courent la Grande Boucle avec le Maillot Jaune, ils sont littéralement transcendés. L’envie de bien faire est présente, l’envie de se dépasser, d’aller encore plus loin dans la souffrance, également. Les Bleus ne veulent pas décevoir leur public et leurs supporters. C’est donc le cas pour Thomas Voeckler qui s’arrache, comme il le peut, aux côtés des grands favoris de cette 98e édition.
• Parce que les années se terminant en « 1 » sont favorables aux Français
La pancarte vue par Thibault de la caravane Cochonou sur le Tour n’est peut être pas qu’une utopie. En onze éditions se terminant par un « 1 », quatre coureurs Français ont remporté le Tour : Gustave Garrigou en 1911, Antonin Magne en 1931 ainsi que deux grands du cyclisme tricolore : Jacques Anquetil en 1961 et Bernard Hinault en 1981. Alors Thomas Voeckler en 2011 ? C’est peut être à son tour…
On dit tout simplement NON
• Parce que son équipe va finir par craquer
Nous ne voulons pas dénigrer la formation Europcar, mais par rapport aux grosses écuries (Team Leopard-Trek, Saxo Bank-SunGard, BMC Racing Team entre autres), elle sera peut être à la peine dans cette ultime semaine. Pour le moment, elle fait preuve d’une très belle solidarité autour de son leader. Tous ses équipiers se mettent à la planche et sans rechigner. Mais à force, ce sont les… forces qui vont manquer aux petits hommes verts. Pierre Rolland, qui l’accompagne depuis jeudi en montagne sera-t-il encore présent ? Rien n’est moins sûr. A moins qu’il ne poursuive sur sa belle lancée. Christophe Kern, très en forme depuis son beau Dauphiné, aurait également pu être un bon point d’appui pour le leader du général. Malheureusement, le nouveau champion de France du chrono a été contraint à l’abandon dès la cinquième étape à cause d’une tendinite assez douloureuse. Cyril Gautier pourra lui aussi lancer la fusée Europcar relayé ensuite par le meilleur grimpeur du Tour 2010, Anthony Charteau. Finalement, si eux aussi sont transcendés par l’enjeu, ils pourront réaliser de très belles choses. Peut être pas les sprinteurs Yohann Gène et Sébastien Turgot ainsi que le néophyte Perrig Quemeneur et l’ancienne lanterne rouge Vincent Jérôme (avant-dernier du général).
• Parce que le chrono et les Alpes lui seront fatales
D’accord il a suivi les meilleurs grimpeurs dans Luz-Ardiden et au Plateau de Beille, où il était peut être même le plus fort… Mais les Alpes seront une autre paire de manches pour le Maillot Jaune. L’étape entre Pinerolo et le Galibier compte trois cols hors catégories : Agnel (23,7 km à 6,5%), Izoard (14,1 km à 7,3%) et donc l’arrivée au sommet du mythique Galilber (23 km à 5,1%), à Serre-Chevalier. Le lendemain, l’étape entre Modane et l’Alpe d’Huez s’annonce tout aussi difficile avec l’enchaînement en 95,5 kilomètres de trois grands cols : le Télégraphe (11,9 km à 7,1%), classé en première catégorie, ainsi que le Galibier (16,7 km à 6,8%), par l’autre verset, et l’Alpe d’Huez (13,8 km à 7,9%) répertoriés en hors catégories. Si Thomas Voeckler parvient à hisser son beau Maillot Jaune au sommet du Galibier jeudi et des vingt et un lacets de l’Alpe d’Huez, l’exploit sera immense. A condition de voir l’avance qu’il aura pour aborder sereinement le chrono final, à Grenoble. Mais sans le rabaisser, il risquera très certainement de perdre sa tunique dès la première étape des Alpes. Le podium s’éloignera. Le top cinq également sera dur à accrocher. Une place dans le top dix est bien plus raisonnable. Un peu à l’image de Cyril Dessel ou François Simon sixièmes en 2006 et 2001. Tous ceux avaient déjà porté la tunique jaune pendant leur Tour.
• Parce qu’il n’est pas un coureur de Grand Tour
Voeckler a toujours été connu comme un grand baroudeur, pour un puncheur même. Il n’a jamais été un coureur de Grand Tour, c'est-à-dire qu’il ne s’est jamais vraiment battu pour entrer dans le top dix du général. Son meilleur classement est une dix-huitième place en… 2004. Cette année là il avait porté le Maillot Jaune après avoir eu une avance conséquente. Il avait donc pu se battre jusqu’à l’ultime chrono pour le maillot blanc. Sinon, ses places ne sont pas très réjouissantes : 66e en 2007, 67e (1 étape) en 2009, 76e (1 étape) en 2010, 89e en 2006, 97e en 2008, 119e en 2003, 124e en 2005… Autant dire que normalement il n’est pas présent en montagne (plutôt dans les gruppettos) et explose lors des différents chronos… Pas réjouissant avec le lourd programme à venir. Pour la petite stat’, il a tout de même terminé l’édition 2010 du Giro à une honorable vingt-troisième place.
Article réalisé par Nicolas Gréno l Images : Roberto Bettini/AFP