Un Tour de France de Légende

Un duel qui tient toutes ses promesses (Alberto Contador-Andy Schleck), six victoires Françaises (du jamais vu depuis 13 ans), une multitude de chassés-croisés dans les classements distinctifs, cette 97ème édition de la Grande Boucle est un grand cru. Et dire qu’il reste encore le Tourmalet à gravir une dernière fois demain et un long chrono entre Bordeaux et Pauillac samedi.

Un choc de titans à jamais gravé dans l’Histoire
On le savait déjà bien avant le Tour. Peut être même après l’arrivée à Paris l’an passé. Les Alpes et le Col de la Madeleine l’ont confirmé par la suite. La première place du classement général de cette Grande Boucle 2010 se disputera bien entre Alberto Contador et Andy Schleck.
En Jaune avant d’aborder les Pyrénées, le Luxembourgeois est calme, serein. Après une séance d’intimidation avec l’Espagnol dans la montée vers Ax 3 Domaines, le leader du Team Saxo Bank reste en tête du classement général. Il a freiné toutes les tentatives du coureur d’Astana qui reste toujours à trente et une secondes. Mais le lendemain, tout bascule.
Auteur d’un second démarrage foudroyant, à quatre kilomètres du sommet du Port de Balès, Andy est victime d’un saut de chaîne qu’il eut bien du mal à réparer. Mais Contador se moque bien des problèmes rencontrés par son rival et s’échappe du groupe des favoris en compagnie de Samuel Sanchez (Euskaltel-Euskadi) et Denis Menchov (Rabobank). Le meilleur jeune de la Grande Boucle perd rapidement trente secondes dans l’affaire. Au sommet, son retard n’est plus "que" de dix-sept secondes. A l’arrivée, il en concède trente-neuf et perd du même coup sa tunique dorée. A Bagnères-de-Luchon, Contador est gêné, il se fait même siffler par quelques spectateurs présents devant le podium protocolaire.
Cet incident est peut être le tournant de ce Tour de France 2010. En tout cas, ce fait de course entrera dans la légende de la Grande Boucle. Le lendemain, à Pau, le double lauréat de l’épreuve est toujours hué. Mais devant les caméras de France 2, Andy tombe dans les bras d’Alberto. Les deux hommes, séparés de seulement huit petites secondes au général, se réconcilient. Le Maillot Blanc a même demandé aux suiveurs de ne plus conspuer le Maillot Jaune. Demain, sur les pentes du Tourmalet, ça sera une autre histoire.

Presque 40% de victoires d’étapes Françaises
Six succès tricolores en seize journées (excepté le prologue de Rotterdam)... Un tel total n’avait plus été atteint depuis 1997, une autre époque, avec les victoires de Cédric Vasseur (Gan), Laurent Desbiens (Cofidis), Christophe Mengin (Française des Jeux) et des trois Festina Richard Virenque, Laurent Brochard et Dider Rous.
Ce dernier, excellente transition, est aujourd’hui directeur sportif de l’équipe Bbox Bouygues Télécom. Il a assisté ces deux derniers jours, depuis sa voiture, aux deux sublimes victoires de ses leaders Pierrick Fédrigo et Thomas Voeckler. Le Marmandais (à Pau) et l’Alsacien (à Bagnères-de-Luchon, avec le maillot de Champion de France) se sont imposés au terme de deux étapes de montagnes dans les Pyrénées. Avant eux, Christophe Riblon (Ag2r La Mondiale) avait ouvert le festival, dimanche, dans la montée d’Ax 3 Domaines, lui le pistard. Rappelons que l’on fête cette année le Centenaire du premier passage du Tour de France dans le massif Pyrénéen !
Au début de l’épreuve, Sylvain Chavanel (Quick Step) s’était mis en évidence en claquant à Spa et dans la Station des Rousses deux belles victoires. Elles lui ont permis par la suite de porter le Maillot Jaune. L’aîné des frères Chavanel ne devait pas être au départ du Tour, mais avec de la volonté et beaucoup de courage, il a offert du bonheur, du rêve aux nombreux spectateurs massés sur la route. A Saint-Jean-de-Maurienne, le "Raymond Poulidor des étapes du Tour" (six fois deuxième), Sandy Casar (FDJ) a retrouvé la voie du succès en remportant son troisième bouquet dans la Grande Boucle.
Voeckler, Fédrigo, Casar, Chavanel, Riblon sont cinq piliers du cyclisme Français. Ils sont donc récompensés à juste titre sur cette 97ème Tour. Pas un Tour de France, mais un Tour des Français. Malheureusement, les coureurs tricolores ne brillent pas au classement général. Le premier est pointé à la vingtième place. Il s’agit de John Gadret (Ag2r La Mondiale).

Chiffres : - 6 victoires Françaises dans un même Tour : dernière fois : 1997 (voir ci-dessus)
- 3 victoires Françaises de suite : dernière fois : 1994 (Jacky Durand, Luc Leblanc, Richard Virenque)
- 3 victoires Françaises de suite dans les Pyrénées : dernière fois : 1979 (René Bittinger et Bernard Hinault, deux fois)

Thor Hushovd-Alessandro Petacchi : le Maillot Vert à toi à moi
Les deux hommes s’échangent cette tunique depuis la troisième étape. Le Norvégien, habitué de ce classement spécifique puisqu’il a remporté à deux reprises (2005, 2009), est moins rapide que l’Italien. Lauréat à Bruxelles et Reims, le coureur de la Lampre-Vini Farnese glane un maximum de points dans les sprints massif à contrario d’Hushovd qui en prend là où son rival ne peut en saisir. Thor tente alors de se glisser dans des échappées au long court pour disputer les sprints intermédiaires proposés par les organisateurs. L’an passé, il avait tissé son maillot… dans la montagne, lui le sprinteur. En 2010, il a profité de l’étape des pavés pour accroître son capital points. Avec les arrivées groupées, Petacchi reprend souvent la tunique verte au coureur de la Cervelo.
Bordeaux (vendredi) et les Champs-Élysées (dimanche) seront donc les juges de Paix pour ce classement par points, un challenge de la régularité qui réussit généralement bien à Hushovd sur le Tour.

Classement : 1. Thor Hushovd 191 pts, 2. Alessandro Petacchi 187 pts, 3. Mark Cavendish 162 pts, 4. Jose Joaquin Rojas Gil 149 pts, 5. Robbie McEwen 138 pts, 6. Edvald Boasson Hagen 120 pts, 7. Sébastien Turgot 107 pts, 8. Gerald Ciolek 104 pts, 9. Samuel Sanchez 100 pts, 10. Alberto Contador 98 pts

Anthony Charteau-Christophe Moreau : la finale pour les pois
Demain, 73 points seront distribués à celui qui passera en tête de tous les cols (Côte de Renoir 4 pts, Marie-Blanque 15 pts, Soulor 15 pts et Tourmalet 40 pts). En tout, 386 points pourront être grappillés pour le compte du maillot blanc à pois rouges. Du premier au dixième, tout le monde peut espérer ramener cette tunique à Paris. Fédrigo et Samuel Sanchez, ex æquo avec 72 unités au compteur peuvent encore y croire. Mais un duel se dégage, comme pour le Maillot Jaune et le Maillot Vert. Un match franco-français. La succession de Richard Virenque, dernier porteur tricolore de cette tunique, en 2004, est ouverte.
Charteau 143 points contre Moreau 128 points. Quinze unités d’écart entre les deux hommes. Avant le départ de l’épreuve, le coureur de Bbox Bouygues Télécom n’était pas catalogué comme un grimpeur mais plutôt comme un équipier modèle. Au fur et à mesure des étapes, le Nantais a découvert qu’il pouvait suivre les meilleurs dans les grands cols. Il épate tout le monde. Lui s’étonne. "Chartix" (son surnom dans la formation Vendéenne) est tout proche d’un exploit retentissant. Mais le vieux Christophe Moreau (Caisse d’Epargne) ne va pas abdiquer comme cela. Pour son dernier Tour, il aimerait bien sortir par la grande porte. Remonté comme jamais après les critiques de Laurent Fignon, l’ancien Champion de France veut "lui montrer qu’il n’était pas abruti et qu’il arrivait à faire des choses, même à 39 ans. Je ne suis pas complètement marteau, contrairement à ce qu’il peut croire".
Mais attention au petit Damiano Cunego (Lampre-Vini Farnese) troisième avec 99 points. L’Italien, qui est passé deux fois tout proche d’une victoire d’étape dans la Grande Boucle (troisième de la 9ème étape, quatrième de la 16ème), compte bien arbitrer cette bataille. Le "Petit Prince" veut donc remporter ce classement du meilleur grimpeur, lui le lauréat d’un Giro 2004 plutôt montagneux, en guise de vengeance.

Classement : 1. Anthony Charteau 143 pts, 2. Christophe Moreau 128 pts, 3. Damiano Cunego 99 pts, 4. Sandy Casar 93 pts, 5. Jérôme Pineau 92 pts, 6. Thomas Voeckler 82 pts, 7. Andy Schleck 76 pts, 8. Alberto Contador 76 pts, 9. Pierrick Fedrigo 72 pts, 10. Samuel Sanchez 72 pts

Article réalisé par Nicolas Gréno