Le Tour de France vu par les Gens de Juillet (4/4)

Pour clôturer comme il se doit, et pour de bon, la fin du Tour de France 2011, nous avons recueilli les réactions d’acteurs de la Grande Boucle. Ils sont tous passionnés mais ont vécu cette 98e d’une manière différente. Certains faisaient parti de la caravane publicitaire alors que d’autres ont regardé l’épreuve depuis chez eux voire d’un peu plus de l’intérieur.

Numéro 1 ; Numéro 2 ; Numéro 3 (déjà parus)

Martin « L’Ardoisier », blogueur et créateur du Blog de l’Ardoisier : « J’ai eu l’impression de vivre un Tour des années 80 »
 « Ce Tour de France 2011 était magnifique. J’ai eu l’impression de vivre un Tour des années 80, avec des attaques, du suspens et des défaillances.
Comme beaucoup, j’ai été agréablement surpris par Thomas Voeckler, déçu par les lacunes d'Andy Schleck, heureux de voir Contador combatif malgré l’adversité, etc. Mais tout ça a déjà été dit, par des experts de tout bord. Alors, au-delà de cet aspect sportif, je garderai surtout un excellent souvenir de l’ambiance de ce Tour, celle du bord de la route.
J’ai eu la chance cette année d’être invité par un partenaire du Tour de France, pour assister à l’étape du plateau de Beille. Il faut reconnaître qu’avoir accès aux espaces VIP, c’est vraiment sympa. Mais ce n’est finalement pas grand-chose comparé à la ferveur du public, massé sur le bord de la route. Ces amoureux du vélo, capables de faire des centaines de kilomètres chaque année pour ne voir que quelques secondes de la course, ces milliers de camping-cars, ces touristes étrangers venus de très loin, ces grands malades déguisés en n’importe quoi, parfois un peu éméchés.
En redescendant du plateau de Beille, la caravane du Tour de France s’est retrouvée bloqué pendant plusieurs heures. Très vite, les spectateurs qui étaient restés sur place ont sortis des bouteilles de leurs camping-cars, pour offrir à boire aux suiveurs du Tour.. Quelques heures plus tôt, il y avait eu la distribution de goodies par la caravane. C’était maintenant les spectateurs qui renvoyaient l’ascenseur, et payaient des coups aux caravaniers !
Le Tour de France est sans doute devenu une grosse machine sportive et commerciale. Mais la convivialité et l’envie de faire la fête sont omniprésentes sur la route. C’est aussi ça l’esprit du Tour ! »

Julien Liberge, membre de la caravane publicitaire avec Etap Hôtel : « On est même acteur d'un des plus beaux événements sportifs de l'année »

« Deuxième année, je savais à quoi m'attendre : convivialité, esprit familial, fête, rencontres, money (boulot d'étudiant aussi), networking (on rencontre des gens intéressants), paysages magnifiques, moments inoubliables... Que dire...

En tant qu'ancien cycliste, j'adore le vélo. Ca me permet d'approcher de près un monde que je connais mais qui me passionne. On est même acteur d'un des plus beaux événements sportifs de l'année. Grâce au partenariat avec l'équipe Europcar de la marque Accor qui m'embauchait (via l'agence Maracoudja), on a pu vivre des moments privilégiés avec le team Europcar : parler avec les coureurs, passer de bons moments avec le staff, visiter le bus, visiter le car Fleury Michon, passer la soirée de fin de Tour sur la péniche avec uniquement les coureurs et leurs familles...
Pour moi aussi, cela m'a permis d'explorer le côté sport business, j'ai réalisé un mémoire sur le sponsoring sportif et c'était donc un terrain d'études parfait. Enfin, ce n'était pas si laborieux comme travail. On noue des relations très fortes avec les gens de notre équipe (Etap Hotel), les pleurs pour se dire au revoir à la fin du Tour sont systématiques. C'est un travail difficile de par son rythme mais un travail qui n'en est pas vraiment un. C'est un défilé chaque jour, c'est 3500 bornes de sourires, de paysages de fous, de complicité avec les gens, avec les membres d'ASO, des autres caravanes, la presse...
Journée type : réveil entre six et sept heures, direction le parking technique pour préparer les véhicules pour l'étape. Direction le parking caravane où il y a un standby d'1H30, ce qui nous permet de dire bonjour à tout le monde, de faire le plein de Cochonou pour la journée, d'échanger goodies à tout va. Ensuite c'est parti pour 6h de bonheur sur la route du Tour, trente minutes avant les coureurs.
L'étape terminée, on démonte les voitures pour le transfert, direction la station essence pour faire le plein, le car wash pour laver les véhicules, l'hôtel ou le gîte où nous sommes hébergés : ravitaillement des véhicules en goodies pour le lendemain (quinze millions de goodies sont distribués par la caravane en 2011).
Douche, apéro, dîner au restaurant et sortie pour les plus courageux, entre nous ou avec d'autres membres du TDF (pas les coureurs bien entendu). Puis un sommeil réparateur, pas trop tard car le réveil sonne tôt et le préventeur nous attend avec l'éthylotest le lendemain matin : 0,01g d'alcool dans le sang = retour à la maison.

C'est une grande fête mais très sécurisée, c'est un événement de fous. C'est génial. Il faut le voir pour le croire!»

Vincent Davayat, rédacteur Culture Sport et créateur des Gens de Juillet : « Texte »
« Le Tour est une fête à laquelle je m’invite, chaque année,  comme millions d’autres. Au-delà de l’événement sportif, juillet offre en effet un brassage humain qui n’a nul équivalent. Car le Tour réunit dans une même joie l’octogénaire assis sur le pas de sa porte et le  supporter venu des antipodes.  Ce sont ces gens-là, ces gens de juillet, qui, en attendant le passage des coureurs, m’ont offert des instants de convivialité inoubliables.  L’occasion, par ces quelques mots, de leur adresser mes mercis. Merci à cette famille, aux Mont des Alouettes, qui m’a offert une place sur sa tribune de fortune installée à hauteur de toit. Merci aux Auvergnats de Vendée, qui m’ont convié à leur table aux Essarts. Merci à ce couple d’Anglais qui a partagé son casse-croûte très franchouillard sur la ligne d’arrivée à Châteauroux. Merci à Jacky et Miguel qui m’ont conté leurs anecdotes vélocipédiques dans la rampe de Super-Besse, avant de les croiser de nouveau, le lendemain, dans les premiers contreforts du Puy Mary. Merci à ces dizaines d’inconnus, tous plus farfelus les uns que les autres, rencontrés dans la montée de l’Alpe d’Huez, avec une mention particulière pour les Hollandais du lacet numéro 7 et pour le  kop « concurrent », celui des Norvégiens, installé quelques kilomètres plus haut. Merci enfin à Bridget et ses compatriotes australiens qui n’ont pas hésité à partager le champagne et les mignardises pour célébrer le quasi-sacre de leur champion Cadel Evans à Grenoble. Bien sûr j’ai aimé ce Tour pour ses champions, son spectacle sportif quotidien, ses joies, ses drames de la course. Le panache de Gilbert, les chutes tragiques de Vinokourov et Van den Broeck, les larmes puis le courage de Hoogerland, la résistance de Voeckler, la combattivité de Roy, la générosité de la fratrie Schleck, le triomphe de Rolland, la consécration d’Evans : autant de moments qui ont marqué ce Tour 2011. Mais, à côté de ces grands noms, j’ai aussi aimé ce Tour pour ces millions d’inconnus massés sur le bord des routes, acclamant tous les forçats, sans exception, du maillot jaune à la lanterne rouge. Car ce sont aussi eux, ces petites gens, qui font la grandeur de juillet. Oui, c’est ainsi que le Tour est grand. »

Article réalisé et propos recueillis par Nicolas Gréno l Image : AFP