Il y a eu la malédiction du programme jusqu'aux deux derniers jours et le 100m haies féminin remporté par l'Australienne Pearson ainsi que le 4X100m masculin le lendemain qui couronnait Bolt et ses petits copains de Jamaïque. Forcément, on en a beaucoup plaisanté, mais cette pseudo-malédiction met tout de même en exergue les nombreuses surprises qui ont fleuri durant cette longue semaine de compétition en Corée du Sud. Petit tableau récapitulatif des plus gros ratés de ces mondiaux.
Des perchistes six pieds sous-terre
La perche est un sport aléatoire, on ne peut faire plus de six mètres un jour, ou être champion de France un autre, et ne passer aucune barre lorsque le jour "J" arrive. Le concours de Daegu n'aura pas déroger à la règle, et les favoris en ont fait les frais, Lavillenie s'en sortant le moins mal si l'on peut dire. Dès le premier jour de compétition, le perchiste Australien Hooker fait la couverture du "Daily Programme" et il n'en faut pas plus pour que la malédiction se mette en marche. Un zéro pointé pour le grandissime favori et adversaire le plus dangereux de notre recordman de France, Renaud Lavillenie. A ce moment-là, on se dit que la voix est toute tracée pour un double podium pour nos petits français, puisque Romain Mesnil est en grande forme, tout récent champion de France. C'est sans compter sur la loterie que représente ce concours, ou plutôt la méforme qui peut rapidement prendre d'assaut un perchiste. La finale est un cauchemar pour Mesnil qui ne passe aucune barre et qui voit ses rêves de médaille mondiale lui filer sous le nez. Mais Renaud est toujours là, il va pouvoir ouvrir le compteur français et surtout faire raisonner la marseillaise en terre coréenne. On en est sûr. 5m65: ok. 5m70: ok. 5m75: ok. 5m80: ok. 5m85: ok. Tout du premier coup. Rien ne peut lui arriver. Mais c'est sans compter sur Borges qui se surpasse et bat son record de 15cm. C'est sans compter aussi sur une réussite insolente de la délégation polonaise et notamment Wojciechowski qui allie intelligence tactique (impasse à 5m85) et réussite (deux à trois barres largement touchées dans le concours, mais qui restent sur les taquets). Et voilà notre Renaud Lavillenie national qui échoue à 5m90 et qui doit se contenter d'une médaille de bronze. Déception. Chez les femmes, la tsarine a elle aussi chuté, puisque Isinbayeva ne fait pas mieux qu'une 6ème place et une hauteur de 4m70 jamais effacée.
"Le roi est mort, vive le roi"
Le cent mètres du dimanche 28 août 2011 restera certainement comme un des cent mètres les plus marquants de l'histoire de l'athlétisme. Bolt est prêt. Il va gagner. Personne n'en doute. On attend juste de savoir de combien de mètres il va écraser son dauphin. Comme à chaque fois, Bolt s'amuse avant le départ. Trop? Certainement pas, c'est sa manière d'évacuer la tension. Mais quoiqu'il en soit, Bolt ne courra pas, ne gagnera pas. Il est victime de sa décontraction, peut-être de sa course au record, de sa volonté d'être le meilleur et de loin. Usain Bolt fait un faux-départ ! Il est éliminé, il s'en va. Mais la course doit tout de même se courir. Et comme s'il s'agissait d'un passage de témoin (d'un relais, que les Jamaïcains écraseront, Bolt en finisseur, d'un record du monde une semaine après), c'est son grand camarade d'entraînement, Yohan Blake qui devient le plus jeune champion du monde sur la discipline phare. "Le roi est mort, vive le roi". Bolt était en couverture du "Daily Programme"...
Les haies d'honneur
Liu-Robles-Oliver? Robles-Oliver-Liu? Oliver-Liu-Robles? La seule question au départ de cette finale du 110m haies, c'est quel ordre pour le podium entre ces trois monstres actuels de la discipline. Liu le malchanceux? Robles le recordman du monde? Ou Oliver le colosse américain? Et bien ce fut... Richardson (non pas le handballeur français, mais le hurdler américain qui était dans l'ombre d'Oliver). En effet, cette course a connu de multiples rebondissements. Le starter donne le départ. Oliver n'est déjà plus dans la course. Et de un. Robles est très bien parti. Mais Liu revient à toutes enjambées. Il va dépasser Robles. Et bien non, le cubain percute deux fois son camarade qui est dévié de son droit chemin et finit troisième. Liu ne gagnera encore pas. On se dit qu'il reste le sprinteur aux lunettes, que lui a tenu son rang, et que la malédiction de la couverture c'est du flanc. Et bien c'est sans compter sur un visionnage de la course par les commissaires qui disqualifient Robles pour le déséquilibre occasionné à son voisin chinois. Aucun des trois ne l'emporte, et c'est un hurdler qui était promis à une place d'honneur qui prend la médaille d'or.
Deux ans déjà
C’est ce qu'a dû se dire Kerron Clement lors de sa demi-finale catastrophique dans l'enceinte de Daegu. Qu'ils ont dû lui paraître longs les 400m et hautes les haies. Car Clement n'a jamais été dans le rythme. Pire, il a fini 8ème de sa course. Voilà comment un champion du monde en titre sort par la petite porte, sans bruit.
Rien ne sert de courir, il faut partir à point
Le faux départ de la britannique Christine Ohuruogu fut certainement moins décrypté et médiatisé que celui d'Usain Bolt. Et pourtant, il ne s'agit ni plus ni moins que de la championne olympique en titre qui sort sans gloire dès les séries. Triste sort pour la favorite du tour de piste qui se retrouve victime, à l'instar de Bolt, de la règle cruelle du faux départ éliminatoire.
Les courses de trop
Kenenisa Bekele n'est plus, tout du moins en 2011. Non partant sur 5000, non-arrivant sur 10 000, l'ex-gloire éthiopienne n'a pu se défendre à Daegu. Il a du passer le flambeau a un de ses compatriotes sur la plus longue distance, et voir partir le 5000m du côté de la Grande-Bretagne, fait assez rarissime. Le grand Bekele est vieillissant sans aucun doute. On a d'ailleurs assister à des courses plutôt lentes, qui auraient endormi le coureur éthiopien du temps de sa domination sans partage. Il abandonne sans résister ses deux médailles d'or glanées à Berlin il y a tout juste deux ans. Clement, Bekele, des gens pour qui deux ans c'est long.
Les Etats-Unis n'y arrivent plus
On a vu Clement au 400 haies, il en va quasi de même pour Sanya Richards lors de la finale du 400m féminin. Toutes les américaines sont d'ailleurs battues par une résidente du Bostwana, Montsho. Allyson Felix, la grandissime favori avec sa compatriote n'arrache que la deuxième place. Mais ce qu'on peut surtout retenir de cette course, c'est une Sanya Richards sans âme qui termine à une pauvre 7ème place. Difficile à digérer pour la double championne du monde en titre du 400m et du 4X400. Les désillusions américaines sur la distance ne pourront qu'à peine se consoler d'une deuxième place de Merritt chez les hommes derrière un jeune grenadien plein de culot, James (19ans). Dans toutes les disciplines du sprint, seul Carmelita Jeter sauve la mise sur 100m chez les femmes.
Trois petits sauts et puis s'en va
Double championne en titre du triple saut féminin, Savigne était sans contestation possible la plus à même de se succéder sur la discipline. Ce fut sans compter sur la malédiction du "Daily programme" et une blessure à la cuisse à la suite de son premier saut qui privèrent la cubaine d'un joli triplé.
Bahrein, bah rien ne va plus
Le 1500m était leur discipline de prédilection. Champions du monde en titre, Yussuf Saad Kamel et Mariam Yussuf Jamal ont chuté. Le premier des deux n'a même pas su se hisser en finale, quand la deuxième terminait 12ème et bonne dernière de la sienne. Le bilan est simple, deux médailles en moins par rapport à Berlin. Le plus précieux métal échappe donc à la délégation du Bahrein pour cette année.
Javelot de plomb
L'un des meilleurs lanceurs de javelot de ces dernières années, le finlandais Pitkamaki, n'a pas lancé à plus de 80m. Eliminé dès les séries, Pitkamaki ne participera pas à la finale du javelot et sort sans véritablement combattre. Un concours qui se finit dans le plus grand des anonymats pour l'un des meilleurs lanceurs de la décennie.
Voilà, le tour d'horizon est fini et on se rend compte que ces championnats du monde de Daegu ont été ceux des "rois déchus" et des "reines déçues". Mais cela n'empêche pas d'apprécier, car on a découvert des athlètes pleins de culot (à l'instar de Borges à la perche) et on a tout de même assisté à une grande performance de Bolt qui emmène vers un nouveau record du monde l'équipe jamaïcaine du 4X100m masculin.
Article réalisé par Julien Bonnaud l Image : AFP