Bien avant l’édition 2011, qui vient tout juste de s’achever, il y avait déjà eu une « Voecklermania ». Tout fan de cyclisme qui se respecte doit le savoir. Cette popularité soudaine de l’Alsacien, je m’en souviens encore. Très bien même. C’était il y a sept ans, déjà, en 2004. Lors de la présentation des équipes du Tour, on découvrait Thomas Voeckler avec sa toute nouvelle tenue. A Liège, devant les milliers de spectateurs Belges, le nouveau champion de France revêt pour la toute première fois sa tunique tricolore.
Son visage est encore enfantin par rapport à celui de cette année. Ses ambitions bien moins élevées. Peut être claquer une étape avec ce maillot assez lourd sur les épaules ? Sans doute. Dans les premières étapes, le futur chouchou du public est bien calé dans le peloton. Il ne sait pas encore que sa notoriété va exploser très bientôt. Lors de la cinquième étape dans un premier temps. Après avoir pris le Maillot Jaune la veille lors du chrono par équipes, Lance Armstrong veut le laisser filer. Il ne veut pas infliger à sa formation un travail superflu dès la première moitié de Tour. L’échappée du 8 juillet, la bonne, ne claquera non pas « que » la victoire, mais empochera également la tunique la plus prestigieuse dans la planète cycliste.
Calé au sein de la bonne échappée, Voeckler est le mieux classé des cinq coureurs qui ont pris la poudre d’escampette. L’US Postal, le Team du quintuple vainqueur du Tour, a accordé les bons de sortie. Le compostage effectué, les Américains laissent partir et l’avance augmente. Tellement que Voeckler est Maillot Jaune virtuel. Un Maillot Jaune qu’il sentira, touchera, enfilera à l’arrivée. A Chartes, sur le podium, le champion de France, qui abandonne son maillot tricolore pour le jaune, donne naissance à la « Voecklermania ». Au général, Stuart O’Grady, le lauréat de l’étape, est le dauphin de « Ti-Blanc ». L’Australien est à 3’13 du Français. Sandy Casar, troisième à 4’06, revêt le maillot blanc du meilleur jeune puisque son compatriote ne peut pas porter simultanément le jaune et le blanc.
Thomas Voeckler peut savourer sa vie en jaune. Au fur et à mesure que les jours passent, le coureur de Brioches-la-Boulangère reçoit son équipement spécifique de leader de la Grande Boucle. D’abord le cuissard tout jaune, puis les gants ainsi que le casque. L’époque a voulu que le vélo Time ne soit pas encore teinté comme aujourd’hui. Les temps ont changé depuis.
Cet équipement « Toto » voulait le conserver au moins jusqu’à Saint-Flour, le 14 juillet… Finalement, après la victoire de Richard Virenque, Voeckler termine en jaune, en champion de France, cinquième devant… Lance Armstrong. Le jour de la fête nationale, tout un symbole.
L’étape de Figeac passée sans encombre, celle que la France du cyclisme redoute arrive. La première étape de montagne se présente devant le Maillot Jaune. Comment va-t-il l’aborder ? Comment va-t-il la terminer surtout ! Conservera-t-il sa place de leader du général ou sera-t-il contraint de se contenter du maillot blanc ? Il possède près de neuf minutes d’avance sur l’ogre Armstrong au départ de la douzième étape jugé de Castelsarrasin. Vers La Mongie, il brûle quatre minutes de joker. Le « Ricain » remonte à la deuxième place du général à 5’24. La menace se précise et tout le monde pense qu’il va s’emparer du maillot dès le lendemain à l’arrivée au sommet du Plateau de Beille, où il avait déjà gagné… en jaune, en 2002.
Faisant l’élastique dans les premiers cols de la journée, Thomas Voeckler est en difficulté. Il s’arroche comme il le peut. Avec les moyens du bord. « Ti-Blanc » reçoit même le soutien d’un maillot blanc à pois rouges. Un certain… Richard Virenque. Ce dernier le prend sous son aile et lui procure quelques conseils dans la montée finale. Le public, déchaîné et passionné, pousse le Français. Il le pousse à tout donner. C’est le panache d’un futur très grand champion qui parle. Certains auraient peut être laissé tomber même si c’est le Maillot Jaune. Mais Voeckler le respecte encore plus ce maillot. C’est donc pour cela qu’il le conserve au sommet ! Désirant sans doute poursuivre l’histoire d’amour avec cette tunique. L’idylle est belle. Les audiences aussi. La notoriété de Voeckler vient enfin d’exploser. Réellement cette fois.
Pour vingt-deux petites secondes, après une treizième place porte bonheur, Thomas Voeckler a droit de parader deux journées de plus en jaune. Une première fois entre Carcassonne et Nîmes, plutôt sympathique comme journée, et une seconde fois entre Valréas et Villard-de-Lans, où les paysages sont plus beaux mais plus durs aussi. Son rêve en jaune se termine là. La conquête du maillot blanc se poursuit. Mais dans l’ultime chrono il cale face à Vladimir Karpets. Pas grave, dans les rues de Paris, pour l’ultime étape d’un très beau Tour, il exhibe fièrement son ensemble tricolore ! Avant de remettre ça en 2011… On connaît la suite.
7 ans plus tard, même course, même maillot, même poing serré, même hargne, même endroit : le Plateau de Beille
Article réalisé par Nicolas Gréno l Image : AFP