Après l’énervement prennent souvent place la joie et la satisfaction. L'humeur du billet peut changer du jour au lendemain. C’est le cas pour moi, très heureuse de voir un tel champion, avec un tel talent attaquer ainsi avec une forme sublime, tout tenter pour gagner le Tour car les places d’honneur ne l’intéressent pas ! J’avais "peur"qu’il se gâche encore, à coup d’attaques vouées à l’échec, il m’a "rassurée", et c’est tout ce que je souhaitais ! Les langues de vipères, ceux qui ne l’apprécient pas auront beau le comparer à Floyd Landis, cela ne touchera personne, il a répondu sur le vélo, il a montré qu’il a du culot, de la conviction, de l’envie, qu’il a l’étoffe d’un champion, qu’il est un Grand, c’est tout ce qui lui manquait pour qu’on le croit !
Il disait qu’au pire il retenterait la victoire l’année prochaine. Il disait ça après n’avoir rien tenté, après avoir fait travailler durement son équipe pour rien. Il me rassure aujourd’hui d’avoir attaqué, d’avoir tenté pour de bon, ne serait-ce que pour eux, équipiers qui sont venus pour faire gagner un des frères Schleck !
Mais il n’a pas fait que tenter, il a surtout réussi ! Un grand coup de panache qui aura fait taire toutes les critiques, c’est tout ce que nous demandions ! Nous avons tous assisté à du grand cyclisme, du vrai cyclisme. Un favori qui attaque de loin, un autre, Alberto Contador, qui craque, un profil d’étape splendide, tout cela dans la douleur, dans l’envie.
Et son coup de grand maestro, personne n’y croyait vraiment. Les favoris ont semblé s’en moquer, ne pas prendre cette attaque au sérieux, comme s’il ne servirait que de tremplin à Fränk Schleck et non pas comme s’il allait faire chambouler tout le classement général. Et Andy a alors fait preuve de maturité, il m’a fait mentir, m’a ‘fermé le clapet’, tout ce que je voulais. Il a continué plus que jamais, et nous saluerons la grande aide que lui a apporté Maxime Monfort. Il n’a perdu aucune seconde dans la descente du col de l’Izoard et en plaine entre Izoard et Galibier, il en a même gagnées. Il a fait perdre aux autres favoris tout sens tactique, ils n’ont su prendre aucune responsabilité, collaborer tous ensemble a semblé impossible alors que c’était la meilleure des choses à faire. Grâce à lui Cadel Evans s’est aussi montré impressionnant, les deux hommes du jour, les deux grands favoris pour le maillot jaune à présent en y rajoutant Fränk Schleck. On peut toujours imaginer Andy Schleck (même si cela semble impossible) être dans un mauvais jour et alors Fränk attaquerait dans l’Alpe, un peu comme Schleck-Sastre en 2008 dans l’Alpe d’Huez, toujours. De toute façon les frères Schleck ont les commandes de la course, il ne leur reste plus qu’à bien les utiliser.
En tout cas, Andy m’a montré et nous a montré à ceux qui ont critiqué qu’il savait réfléchir, avoir une tactique, courir intelligemment ! Je lui tire mon chapeau, le salue, lui dis bravo et après ce coup de génie (même si cela n’avait pas fonctionné) dis qu’il mérite de gagner le Tour, en grand attaquant qu’il a été. Il a rattrapé ses mauvaises Pyrénées par cette attaque, bravo.
Nous avons alors vécu un moment historique, qui ressortira tous les ans et ceux pour toujours, une attaque de ce genre, c’est ce qui fait la légende du Tour, la beauté de cette course. La ‘bagarre’ que je réclamais depuis tant a enfin vraiment commencé. Elle a été orchestrée par Andy Schleck, suivie par Cadel Evans, qui l’eut cru, un tel scénario, avant ce Tour de France ? Personne ! C’est bien pour cela que j’aime le vélo, car rien n’est déterminé avant la course, on peut faire 5000 scénarios, tous peuvent être faux.
En tout cas, j’ai vu le Andy Schleck que j’aime voir, c'est-à-dire en attaquant, en répondant sur le vélo et non le Andy Schleck qui m’a déçue en comparant les attaques d’Alberto Contador dans les descentes à l’épisode du saut de chaîne après avoir été vexé d’avoir été pris au piège. Le surnom d’ « Andy Torticolis » a surement dû disparaître après son attaque donnée sans un regard à ses adversaires. Ses fans, son équipe peuvent être fiers de lui car il vient d’écrire une page du Tour à l’occasion du centenaire du Galibier dans cette course.
Ce n’est pas un retournement de veste mais un constat : hier, il a fait quelque chose de Grand, il a eu de l’audace, du panache ce qui lui a manqué l’année dernière à Morzine Avoriaz, pour faire la différence et vaincre Alberto Contador.
Andy a permis de nous faire découvrir un Cadel Evans très impressionnant durant les 10 derniers kilomètres. Il reprend près de deux minutes à lui seul, comme dans un contre-la-montre sans que personne ne prenne de relais. Pour ceux qui le critiquaient, il a montré qu’il peut prendre ses responsabilités quand il le faut.
Hier, deux champions ont donc fait taire toutes les critiques à leur propos.
Côté Français, nous avons vu Thomas Voeckler et Pierre Rolland plus qu’impressionnants, très surprenants. Certains auront beau critiquer Pierre Rolland et faire fleurir les blagues du genre « son indice de suspicion de dopage doit être de 13/10 », il n’en est pas moins qu’on attend qu’il se montre depuis 2008. Cette défense du maillot jaune lui a fait perdre tout complexe de supériorité, celui qui fait croire à des coureurs que s’ils commencent à lâcher face à des Cadel Evans, des Andy Schleck, c’est normal, pas la peine de batailler. Cette défense du maillot jaune l’a obligé à batailler, à montrer de quoi il était vraiment capable, il ne nous reste plus qu’à croiser les doigts pour que cela dure, pour que de nouvelles pages françaises soient écrites sur le Tour, pas des pages de victoires d’étapes ou de maillots à pois, mais des pages de maillots jaunes !
En parlant de maillot jaune, celui de Thomas Voeckler se joue aujourd’hui, comme hier. Il a une très grande partie des Français derrière lui, beaucoup de journaux comme le Ouest France ou France 2 titrent sur lui et non pas sur l’attaque de légende d’Andy Schleck, c’est dire l’ampleur que prend ce que certains appellent la « Voeckler mania », même si ce sera difficile pour lui aujourd’hui, Andy Schleck a promis d’attaquer de nouveau… Et cela promet pour nos yeux…
Aticle réalisé par Chloé Lemarchand | Photos : Roberto Bettini