Le cyclisme est cruel et la bêtise des gens, incurable

       Il y a quelques jours, c’était la joie qui me submergeait. Au sortir de cette 9° étape qui menait le peloton à Saint-Flour, c’est de la frustration, de la colère, du dépit et de l’énervement qui m’envahissent !

       Parce que ce n’est pas normal. Parce que c’est intolérable de voir Johnny Hoogerland pleurer sur le podium, être interdit de savourer son maillot à pois qu’il vient de reconquérir. Parce que ce n’est pas juste que Juan Antonio Flecha n’ait pas pu disputer la victoire d’étape. La bêtise humaine est-elle si grande ? Comment ne pas reconnaître qu’on ne peut pas forcer le passage à des cyclistes. Quand on ne peut pas, on ne tente surtout pas. Les risques peuvent être très graves. Et puis, le klaxon existe, au pire ! Mais en tant que personne responsable, le conducteur aurait dû se rendre compte qu’il ne pouvait pas passer, et qu’il devait tranquillement attendre ! Il y serait arrivé, à Saint-Flour, avant les coureurs, c’est une chose qui est certaine. A présent, ce chauffeur ne conduira plus sur ce Tour. Et la voiture du directeur de course, pourquoi a-t-elle laissé la voiture dépasser le groupe de 5 tout en sachant que la route était étroite ? Celui là, on ne le sanctionnera pourtant pas. Christian Prudhomme a certifié que personne n’avait autorisé la voiture à passer, est-ce vrai ? Pourquoi ne l’ont-ils pas arrêtée quand ils l’ont vue passer ? Autant de questions qui resteront sans réponse.

Johnny Hoogerland, courageusement monté sur le podium

        On peut les compter au nombre de 2, maintenant, ces accidents, après qu’une moto de photographe, en dépassant le peloton, ait emporté le vélo de Nicki Sörensen, celui-ci alors tombé, qui aurait pu se faire énormément mal.

         Aujourd’hui, le pire aurait pu arriver, Juan Antonio Flecha a failli passer sous des roues de voitures ! Et ceci, peu s’en rendent compte puisqu’au final, l’Espagnol n’a « que » le coude d’amoché. Mais tout ceci est injuste ! Il n’a pas pu jouer sa tactique pour la victoire finale à cause d’une voiture et non pas à cause de lui ou d’un autre coureur. A cause d’une voiture, une voiture qui ne servait en rien dans la course. Cette chute va aussi peut-être mettre fin à tout rêve de Johnny Hoogerland qui espérait peut-être tenter de ramener les pois rouges à Paris. Ses pleurs l’ont montré, malgré la journée de repos, il aura du mal à pouvoir se donner à 100% pour cela. Il abandonnera peut-être car même si la douleur était insupportable sur le coup, elle le sera tout autant les jours suivants, durant l’effort. Ce sont des faits de courses comme disent certains, mais ceux-là sont intolérables ! Non ! Ce ne sont pas des faits de courses puisqu’ils auraient pu être évités puisque jamais, non, jamais, cette voiture n’aurait dû percuter la roue avant du vélo de Juan Antonio Flecha.

        C’est dans ces moments là que notre respect pour les cyclistes grandit. Johnny Hoogerland n’a en rien critiqué la personne qui conduisait la voiture et à cause de laquelle il arrêtera peut-être ce Tour 2011, il l’a comme excusée : « Je pense que les personnes dans la voiture se sentent très coupables et je suis sûr qu'elles s'excuseront auprès de moi et Flecha. On peut être heureux d'être encore en vie ». Il a même relativisé son accident auprès de Juan Antonio Flecha : ‘‘On est encore vivant et Wouter Weylandt est mort dans une chute". Aucune plainte, aucune critique, aucune insulte, le Néerlandais a relativisé son accident. Alors certains ont beau les traiter de dopés, de tricheurs, ils restent des hommes à qui nous devons le plus grand respect pour des attitudes comme celles-ci !

Le Néerlandais avait pourtant d'énormes raisons pour critiquer

        Le sport est dangereux, les pratiquants à haut niveau le savent, le risque 0 n’existe pas, on peut perdre un rein à cause du football, on peut même y perdre la vie et c’est la même chose dans le cyclisme. Si ce n’était pas le cas, nous en avons repris conscience après le décès de Wouter Weylandt le 9 Mai dernier sur les routes du Giro. Depuis toujours à chaque chute, on se lève de notre canapé, on croise les doigts et on espère qu’il n’y ait rien de grave, juste quelques éraflures mais pas de fractures, de malaise, de traumatisme crânien. Et même, on en devient rassurés quand on apprend qu’un coureur n’a « que » la clavicule cassée.

        Et le cyclisme a ça de cruel que malgré des mois de travail tout peut s’arrêter en une chute, en un touché de sol. Personne n’est immunisé contre cela, ça peut arriver n’importe où, n’importe quand et à n’importe qui. Bradley Wiggins en a fait la mauvaise expérience vendredi … avant d’autres. Une clavicule cassée et c’est la fin de tous les rêves de podium, de mois de préparation pour au final, ne rien pouvoir prouver.

       Et dimanche donc, cette chute, à 100km de l’arrivée. Une chute à l’avant du peloton, en descente, sur une route humide. Tout pour nous faire croire au pire. Des hommes tombés un peu en contrebas, certains qui ré-enfourchent leur vélo, d’autres qui n’y parviennent pas. On va alors enregistrer 5 abandons dont 2 très importants, des outsiders qui auraient pu arbitrer le jeu en haute montagne, qui auraient pu mettre leur grain de sel dans la lutte au maillot jaune : Alexandre Vinokourov et Jürgen Van Den Broeck. Le Kazakh signe peut-être la fin de sa carrière à cause de cette chute. Il souhaitait porter au moins 1 ou 2 journées le maillot jaune, avant de partir en retraite après un dernier tour de vélo sur le vélodrome d’Astana. Le cyclisme est cruel puisque cette chute a mis fin à tout rêve de fin de carrière. Certains parlent que le revanchard ne voudra pas arrêter ainsi et peut-être continuera pour une autre saison, nous verrons … Enfin, le leader Belge de la Omega Pharma a lui aussi dû mettre terme à ses rêves de Top 5, de podium sur ce Tour 2011, lui qui semblait particulièrement bien en jambe.

        Alors que depuis Janvier nous nous étions faits un film du Tour dans la tête, que pour nous, il serait certain que nous assisterions à une lutte Contador/Schleck, nous nous étions rendus compte que ces pensées étaient fausses : les deux leaders semblant moins bons et les outsiders très bons nous espérions une lutte à plusieurs. Mais au fil des jours, cette liste d’outsiders s’est amenuisée. Oui, le cyclisme peut être cruel.

        Alors maintenant, on espère, on croise les doigts, pour que maintenant ce soit fini, que cette journée de repos ait calmé la tension qui flottait au dessus du peloton pour que les chutes soient moindres et que leurs conséquences ne soient que bénignes.

        Il y aura des jours meilleurs. Bien sûr, il y en aura. C’est le Tour de France, ça ne peut pas être tout rose, parce que c’est du cyclisme, ces chutes font partie du sport. Elles en font partie tant qu’elles n’ont pas été crées par des imbéciles comme celle de Flecha et Hoogerland. A l’approche des premières étapes de montagne, je n’ai qu’une chose à dire à ceux qui iront encourager les coureurs : faîtes attention à eux, faîtes attention à vous, ne leur empêchez pas de faire la course qu’ils veulent à cause d’une chute que vous auriez créée.

        Oui, il y aura des jours meilleurs. Bien évidemment : on a un Français en jaune !

Il y avait quand même du bien dans cette étape, le cyclisme n'est pas que cruel.

Article réalisé par Chloé Lemarchand | Photos : Bettini